Avec ce State of fear belliqueux/majestueux, enragé, possédé, Bärlin nous concocte un superbe écrin. Une merveille de tourment, d’implication, que le cold et lent Deer Fight inaugure un peu comme si Nick Cave créchait à Lille. Voix typée, en relief, de bure et de velours. Trame à la menace splendide que bien évidemment, la clarinette fait reluire. Le trip prend aux tripes, Revenge l’étend en vociférant et, syncopé, en beauté déglinguée, ricane tout en jazzant dans la déviance. Enorme! Bärlin, dans une forme de mal-être que son opus s’en vient atténuer, est ici à son apogée. Bärlin suinte la classe, mais aime à se pervertir. All Work and No Play, dans cette même grisaille séduisante, bruisse et se hérisse. On revient à une sérénité perturbée, mais aussi psyché, avec le tout aussi captivant A Glowing Whale. Diantre, que de brio! Sur State of fear rien à craindre, chaque morceau est certifié. On vole, on s’envole, on décolle, sans retour à l’horizon.
Farewell Song, fascinant, lancinant, sème des notes envoûtantes. Chant douleur, effluves qui emmènent. Loin. State of fear purifie, chasse les maux, choisit ses mots. Il s’offre, merveilleuses, des envolées sublimes. On s’y donne, on s’y abandonne. il malmène, mais protège. La batterie vive de Body Memory, sa basse ronde, le font groover jusqu’à l’infini, dans une pluie de sons tournoyants. Le rendu, une fois encore, surpasse nos espérances. L’éponyme State of fear, fort de gimmicks entêtants, se greffe superbement à la fournée. Il se fait démon, habité, en folie. Difficile, quand tu pousses le play, de t’extirper de l’écoute. Elle capture. Survient, attendue, la lézarde. Bärlin est au zénith, sa personnalité le porte de manière incoercible vers les sommets. Là où les meilleurs, intouchables, résident.
Un peu plus loin Sgink Era Ew, aux vocaux alliés, souffle une cold-wave qui à nouveau nous pénètre, au delà du prenant. Enfin Sturm, fissuré, à l’éclat sur la brèche, se retient. Il coupe le souffle. Il n’est pas le seul, loin s’en faut; c’est bel et bien l’album dans son entièreté, dans son dérangé, qu’il convient de saluer. Bärlin, d’un petit monde en perdition, créant avec le talent qu’on lui connait une oeuvre majeure et inattaquable, à la toute fin sauvagement exaltée. Du haut niveau.
Photos Florent Bibaut.