Dans le viseur, un clip pour le 20 janvier et dans la foulée, un EP à paraître au printemps, intitulé Misfits! HARMO DRAÜS, aka Harmo dans David Shaw and the Beat, se raconte à Muzzart…
1. Harmo Draüs, soit ton projet solo, je découvre ! Tu as cependant un parcours déjà fourni, peux-tu nous en dire deux mots (ou bien plus…) ?
Mon projet solo était déjà dans les tuyaux depuis quelques années lorsque j’ai rejoint David Shaw and the Beat (label Her Majesty’s Ship) d’abord en live. Depuis, on collabore régulièrement avec David sur la suite de son projet. Un nouvel album bientôt. Puis, j’ai rejoint en 2020 le projet Bison Chic – groupe indie pop que j’ai accompagné avec mon micro-label Lilie’s Creatures et en live jusqu’en 2022. J’ai arrêté ce projet l’été dernier. En parallèle, je suis impliquée et collabore régulièrement avec le label queer et féministe FRACA!!! depuis 2020 : c’est mon autre casquette côté production !
2. Qu’est-ce qui t’a incitée, qu’est-ce qui a été le déclencheur, de ton avancée solo ?
Mes compositions étaient là depuis un long moment avant tout ça. Je pense que comme beaucoup d’artistes – souvent les artistes féminines d’ailleurs – je n’ai d’abord pas osé « sortir de ma chambre », plus jeune (sentiment d’illégitimité). Pourtant, je baigne dans la musique depuis le berceau avec des parents musiciens. Puis, l’envie de dévoiler, d’exprimer des choses plus personnelles et de faire grandir mon univers s’est faite de plus en plus urgente.
3. Dans quelle mesure ton parcours nourrit-il Harmo Draüs ?
De plusieurs manières. Les rencontres artistiques, les rencontres humaines – heureuses ou malheureuses – ont participé à nourrir le projet, l’écriture. Mon expérience de la scène, de la production en studio a évolué au contact de toutes les personnes j’ai rencontré. Cet EP a pu naître avec la collaboration de mon entourage de musiciens entre la Normandie et Paris : Valentin Barbier (Indigo Birds), Arthur Huiban, Louis Lalevée (HADA), Alexis Plateroti. Ça m’a permis d’avoir aussi beaucoup de retours constructifs sur mon travail. Et il y a évidemment mon vécu où le vécu des autres qui alimentent les textes, bien-sûr.
Photos: Darius Broobecker.
4. A l’écoute de ton premier EP, Misfits, on entend des climats à la Elysian Fields ou façon Mazzy Star -en plus remuant toutefois-, dont tu reprends d’ailleurs le Into dust. Influences avouées ? Ton timbre de voix, par ailleurs, évoque la divine Hope Sandoval…
Merci pour la comparaison avec Hope Sandoval ! Et bien… désolée 🙂 pas vraiment des influences pour moi ! Elysian Fields, ce n’est pas un référent que j’ai en tête, je ne me reconnais pas personnellement dans leur musique mais chacun.e trouve des similitudes où iel l’entend ! Mazzy Star, à la base, je connaissais très succinctement : les plus gros succès. Je suis une enfant des 90’s donc c’est venu sur le tard et j’ai très peu écouté. La reprise d’Into Dust de Mazzy Star est arrivée pendant le confinement, un soir très tard ou plutôt une nuit. Un ami m’a simplement soufflé son souhait de me voir reprendre ‘Into Dust’ ou ‘Fade Into You’.
J’ai pris ça comme un challenge et j’avais reçu une nouvelle pédale d’effet voix que je voulais tester. C’est parti d’une jam de loop de voix sur laquelle j’ai calé la ligne de chant principale. On a d’ailleurs gardé ces premières prises sur la version définitive. Puis j’y ai ajouté un kick, un tambourin, un synthé, en gardant une intention minimaliste comme sur l’original – mais avec un côté plus dark, dreamy, avec un twist un peu plus remuant en effet. Alexis y a ajouté des guitares plaintives que j’ai beaucoup aimées et qui traduisent bien ce que cette chanson me fait ressentir.
Au-delà de ça, j’ai plutôt écouté beaucoup de rock et pop psyché et progressifs des années 60’s, 70’s, du jazz, de la soul, de la pop indé. Puis quand j’étais étudiante j’ai découvert le shoegaze, la dreampop, le post-punk, et des mouvements plus « niches ».
5. Misfits offre des ambiances sombres, feutrées mais aussi inquiétantes parfois. De quoi t’es tu inspirée sur le plan textuel et que cherches-tu à renvoyer par ces atmosphères diverses qui parsèment l’ep ?
Ce sont des compos qui reflètent une période très mélancolique chez moi, mais toujours avec cette idée de transcender ça. J’envisage vraiment la musique comme une thérapie, une transe parfois quand elle le permet. Ça doit faire du bien même si c’est triste, violent, sombre, même si ça fait mal. J’ai toujours écouté des musiques très atmosphériques et « cinématographiques » aussi. Peut-être que le côté un peu inquiétant de ces atmosphères vient de ma fascination pour le monde de l’imaginaire onirique, ésotérique. Des films / séries de Lynch, Burton, De Palma…
6. Quel est ton état d’esprit à l’heure où sort le clip de Miles away, premier single de l’ep ?
J’ai hâte qu’il sorte ! Parce que je travaille sur cet EP depuis un moment et je crois que comme tout premier « bébé », c’est compliqué de le lâcher avant d’avoir l’impression d’être allé.e au bout. Aussi très hâte de dévoiler le clip de Miles Away, parce que c’était vraiment fun à tourner. On a eu pas mal de regards intrigués avec notre cheval de carrousel sur le toit, sur les épaules ou sur le dos dans les différentes villes ou compagnes où on a tourné ! Je pense notamment à l’ascension du Puy Pariou – dans le Puy de Dôme – ou de la Dune du Pilat. Comme tu peux imaginer, on a croisé quelques randonneur.euse.s interloqués, je crois qu’on est pas mal passé pour des fous.
Tournage clip Miles away. Photos Anatole Badiali.
7. Comment as-tu travaillé, d’ailleurs, sur ledit clip ? Je le trouve bellissime ; à la fois vintage, joliment excentrique, vivant dans le sens « épris de la vie », un brin désenchanté aussi, joyeux et mélancolique…
Merci beaucoup ! C’est complètement ce qu’on a essayé de transmettre alors je suis contente si ça t’a parlé de cette manière : joyeux et mélancolique. On a travaillé main dans la main avec mon ami Anatole Badiali, qui est un créateur extraordinaire dans beaucoup de domaines – la scénographie, le décor, la lumière, le costume. On a oeuvré ensemble plusieurs fois dans le passé et dans le présent sur des clips, des festivals qu’on a montés avec Lilie’s Creatures. Il répond toujours présent aux idées farfelues ! On a réalisé nous-mêmes avec deux caméscopes sur cassettes miniDV pendant 15 jours, dans plein
de paysages différents. Puis j’ai numérisé les 18 cassettes et monté le clip moi-même.
En fait, Anatole a une veille voiture break noire aux allures de corbillard. Je la regardais un jour et je lui ai dit que je voulais tourner un clip avec cette voiture. On a commencé à penser à ce qu’on pourrait raconter. Très vite nous est venue cette image de ce film des années 90’s Priscilla, folle du désert, qui était une référence aussi pour lui – dans lequel un groupe de drag queens traverse le désert de l’Australie à bord d’un bus sur lequel est harnaché un escarpin géant. Ce film – au-delà d’être un film très poignant sur la trans-identité, l’homophobie, la trans-phobie, l’acceptation des autres et de soi-même – c’est au fond le sujet de la fuite en avant, de tout quitter quand on se sent aliéné ou mal quelque part. Et c’est aussi le propos de Miles Away. Donc ce cheval de carrousel sur le toit de la
voiture, c’est un petit clin d’œil à ce film.
Par définition, le cheval de carrousel est condamné à tourner en rond perpétuellement dans son manège et il représente pour moi cette aliénation, ce sentiment d’enfermement, de se sentir prisonnier.ère parfois dans la vie malgré toutes les belles fioritures qui l’embellissent. Dans ce clip, j’essaie de dire qu’il y a toujours des bons et des mauvais souvenirs dans toute expérience passée,qu’il faut arriver à se débarrasser de ce qu’on pense être nos carcans, ici matérialisés par l’enveloppe du cheval de carrousel.
Photos live: Clémence Catherine.
8. A quelques encablures de la sortie de l’ep, prévue pour le printemps, quelles sont tes activités et ne ronges-tu pas ton frein, maintenant que l’objet est finalisé ?
Je prépare les sorties. Je fais beaucoup de choses moi-même – étant aussi productrice, label – alors ça représente du travail ! C’est étrange parce que comme beaucoup d’autres avec leur projet jepense, j’ai l’impression que cet EP existe depuis une éternité déjà. Tout prend du temps dans un planning de production et de sortie – alors qu’il n’est même pas encore délivré aux autres, donc j’ai hâte de sa sortie, de voir comment il vit, mais hâte aussi de continuer à travailler sur la suite. Ce n’est que le début.
9. Tu es basée à Caen, où résident nombre de projets valeureux. Quel regard portes-tu sur la scène de ta ville ?
Il y a beaucoup de très chouettes projets, de gens hyper talentueux, dans beaucoup d’esthétiques qui méritent un écho bien plus large. Je pense notamment aux artistes émergents qu’on a programmés cette année sur le festival Echo Chamber que j’ai co-organisé en Octobre dernier à Caen – La Mante, Iamverydumb – ou encore les copaines de HADA, Indigo Birds, Fishtalk, Blank, et j’en passe ! Mais c’est le challenge de toutes scènes en régions : sortir de sa région ! Il y a vraiment des gens avec des talents fous qu’il faut absolument suivre.