Sacha Ivy, c’est en fait Suzanne Guitton, lycéenne, d’un talent que son jeune âge ne fait que pousser à son paroxysme. Passionnée de théâtre, précoce en termes de création, elle fut éduquée, dans la famille, aux oeuvres des Beatles, de Kate Bush ou encore des Runaways. Décidant de s’inscrire au conservatoire, pour tâter de la zik actuelle, elle fait la rencontre de l’inénarrable Pierre Chaissac, alias Choum. Routard aguerri, dopé à Neil Young et Sparklehorse (je résume), auteur de sorties qu’il importe de cocher, le sieur Chaissac fut capturé, à l’écoute d’une reprise de Katy Perry, par le chant de la jeune. Je plussoie, elle a du chien et dans son timbre, on se noierait sans résister. S’ensuit un travail commun, qui nous amène aujourd’hui à ce Unreal train où l’alliance des deux êtres, outre son évidence, fait vibrer le nôtre (je parle de l’être). Pierre joue de tout, il sait faire. Suzanne, à l’organe pur, fait sensation. Six titres à la patine pop-folk enchanteresse, classiques jusqu’à s’inscrire dans le temps, jusqu’à le traverser, sanctionnent la mise en commun. Here and now, vif et sobre, touche les coeurs. Fichtre, ce filet de voix! Tu subjugues, Sacha. En la personne de Pierre, l’infaillible, tu as le plus fidèle, le plus fiable des compagnons du son. Votre duo sonne juste, sans surprendre -musicalement- qui que ce soit il ravira tout son monde.
D’ailleurs Love is a cake, touchant, suinte l’amour et voit les guitares, sans trop de heurts, se débrider. Beauvallet, ce beau valet, évoque Liz Phair pour, de ses mots, surligner la valeur de Sacha Ivy. Merci JD, j’ai eu de mon côté la même pensée, à l’immédiat. Exile in Suzanneville, oserai-je, en six perles annonciatrices d’un avenir radieux. The cove, comme s’il tendait à me confirmer dans mes dires, n’aurait pas dépareillé sur l’opus de Liz. Il flamboie, souffle une mélodie magique. Pierre le sertit de ses choeurs, on en arrive là au mitan de l’ep et je peux l’affirmer; Unreal train, dans ses filets, nous retient captifs. Shadowy trickster, sous les deux minutes, le complète en se parant de spirales envoûtantes. C’est aussi, dans certains recoins, à H-Burns que je songe. Pour les ritournelles, pour la folk toute en pop, pour la pop toute en folk, qui caractérise le rendu. On n’invente rien, on fait tout plus que bien et à l’issue la tentation, celle de réappuyer sur play, se joue de toute récalcitrance. The cove, dans la continuité, la relègue sans coup férir.
Photo Séverine Lenhard.
Grande dame avant l’heure Sacha, dont la voix nous laissera un jour sans voix, se révèle. Pour finir This whisper, aux belles cordes, dépose sa majesté. Perdu dans la traklist, entiché d’un chant, addicté à ses tonalités, je rends les armes et Suzanne, elle, fait ses premières. Elles promettent, c’est le moins qu’on puisse dire. Ce jeudi Unreal train, joué jusqu’à la déraison, m’a bercé sans jamais m’ennuyer. Ce n’est qu’un début mais je jurerai, je parierai, j’en ficherai mon billet que la demoiselle, épaulée par un Chaissac qui a de toute évidence plus d’un tour sans son sac, confirmera vite, nantie de tous les atouts nécessaires à ce qu’à l’avenir, on la place et la considère au même rang que les artistes de renom mentionnés dans mon écrit. C’est un coup de coeur, un bouquet de fleurs, un soleil en plein hiver, que cet EP à l’éclat tel qu’il est presque difficile d’y croire. Et pourtant…