Jorg Feudenfjord est le projet du Parisien Vincent Israel-Jost, Twist’n’Fjord est son premier album. D’un charme décousu et distingué, lo-fi, il sort chez Les Inveftigations Phoniques, collectif fondé en 2019, qui vise à promouvoir les productions d’une scène musicale pop plasticienne, majoritairement composée d’artistes plasticien·nes ou performers. Ca attire autant que ça intrigue, retenez donc pour simplifier la démarche que le disque brille, s’écarte de la droiture, et délivre une belle flopée de titres au delà de l’aimable. Si on y file, à l’occasion, sur des riffs secs et une sorte de synth-punk trituré (An Interesting Message), l’ouverture tient en un Lack of Groove d’abord flou, qui ensuite mue en une espèce de pop à teneur bedroom, fine et amère. Voilà, ça démarre dans la séduction et Cauliflower Power suinte après ça une cacophonie de charme, remuante mais aussi clinquante. Tandis que Hawaiian Boy, moins enlevé, joue la carte du climatique, un peu psyché. Avec bonheur. Tout comme Miami Vampire, aux notes fines et belles, qui sans forcer reste en caboche.
Indé mais ouvert, Twist’n’Fjord ratisse large et étrangement, demeure pertinent. Chant suave, sucré, féminin. Délice. Sensualité d’été, puis Qui a éteint la lumière ? J’en sais rien, mais le morceau me va. Il s’amorce à la Sonic Youth, première période. Si si, et il y reste perché. En moins d’une minute, en même, temps, où aller? An Interesting Message, cité plus haut, mord. Katzstrummel, en 38 secondes, sème sa lo-fi pour laisser Mangrove Dance, aux motifs trop bien, respirer une pop espiègle, rythmée, du plus bel effet. Génial! MBV3, en 56 secondes pour sa part, flotte ensuite au vent. Tordu, psyché aussi. Court, mais on l’écoute. It’s like R. Stevie Moore!, surfy mais avec subtilité, plaira tout autant. Il se pare, de surcroit, de soudains excès soniques. Parfait. Je songe à Parquet Courts, de loin, pour la qualité dégingandée. Pour l’urgence, pour les sonorités de travers, pour l’accroche du puzzle. New Love bruisse et s’amuse, dans le même élan. La voix, comme de coutume, cachette la composition. Et par la même occasion, Twist’n’Fjord dans son intégralité.
Plus loin Rat in my Room, racé et rugueux, la valorise à son tour dans une douce folie. Il n’y a là que pépites, sans redite. Pas le genre du gaillard, trop vertueux pour se mordre la queue. La fin de Rat in my room vire électro, hip-hop, fusion et je ne sais quoi d’autre. Superbe bordel. On the Beach dépayse, insulaire. The Fountain embarque son monde, lui aussi, loin de ses bases. Lentement bruitiste, psychédélique et raffiné, c’est une pièce majeure de plus. Jorg Feudenfjord, qu’on se le dise, se doit d’être découvert. De mon côté c’est fait, je m’en félicite. At Mikhailovski, l’ultime gâterie de l’album, terminant celui-ci sur des tons brumeux, incertains, en conclusion d’une collection tout de même foutrement addictive et sans rien de négatif.