Bonkers Crew est marseillais, il se plait tout comme sa ville à métisser les textures. Coca Chérie, son premier opus, oscille ainsi entre douze mille tendances parmi lesquelles rock, funk, prog, jazz, clubbing et salves funky (Drive) entrent en collision pour enfanter une somme assez personnelle. Dès Never be the same, où la basse dansote, où le rythme tressaute, on percute un genre hybride qu’il sera bien ardu de nommer. Musical à souhait, Coca Chérie n’a de cesse de s’éparpiller, retombant sur ses cannes. Malgré tout. L’ouverture groove à tout-va, durcit le ton, flirte presque avec le crossover 90’s, sur un bref passage. Ca virevolte sévère; on se persuade de les suivre, un peu ivres. Musicalement s’entend, vous l’aurez saisi. Electro-funk, cuivré et coloré, parti au galop, le titre inaugural résume l’esprit des ces cinq mecs sans réelles limites. Serre ta ceinture Arthur, ton bénard risque de choir! Drive, cité plus haut, pulse semblablement. Funky dans le chant, aux breaks soudains, délié mais dans le même temps emporté, il frétille et ne remplit, du point de vue de la mouvance, aucune étagère précise. C’est au bout d’écoutes répétées qu’enfin, on en fait le tour. Encart jazzy, feutré, puis pulsion d’une basse grasse. Ca file, derechef. Et c’est bien joué.
Fish and chips, en troisième ligne, sent le jazz pas naze. Enfin, entre autres hein! C’est la foire, ici et encore. Mère Musique s’y perd, si certains décrochent on ne les en blâmera pas quand bien même, et l’audition le prouvera, il est bien meilleur d’en être. Les guitares sautant au trapèze, on se fade des entrelacs de sons dont on ne sait même plus, à l’arrivée, qui dans le groupe les joue. Y’a même du psyché, dans ces vrilles qui montent haut. Des accélérations, bienvenues. Des passages proches du dub, de la funk endiablée et des mélopées vocales polies. Coca Chérie, mazette ce nom pourri!, labyrinthique, excelle et désarçonne. Jazzyfunky, Now that I’m lonely emprunte un chemin plus peinard. Le restera t-il? Bonkers Crew, on le sait, ne tient pas en place. Il maîtrise, en tout cas, sa pratique. Now that I’m lonely se fait ténu, on s’extirpe là des élans frappadingues qui qualifient le clan.
La fin du morceau, comme attendu, part en loopings. Suit Spinnin bin, joueur, aérien tout en étant, aussi, vivace. On expecte, une fois encore, l’écart. Bon, tout n’est qu’écart(s) de toute façon. La voix se fait suggestive, un brin sensuelle. L’élan se brise, l’auditeur se retrouve dans une fumée dont on ne peut dire si elle tient du dub, du prog ou du psyché. Tout ça mêlé, assurément. Bonkers Crew étourdit et pourtant, il n’a pas tout dit. Pick up sticks fait le fou, à son tour. Bonkers Crew visite des terres libres, aspire lui-même à le rester. Il y parvient, haut la main. Wooww, voilà un passage black-métal! Enfin, on dirait. A l’issue des sorties de route qui parsèment Coca Chérie Against the wall, aux guitares façon Living Colour, balourde un crossover qui mérite les honneurs.
Photos Alice Cannard.
Allez, on ne peut en rester là. Je disais crossover, c’était tout juste pour l’amorce. On renoue, vite, avec un jazz en feutrine avant que les vocaux n’impulsent une nouvelle échappée, sous couvert de grattes furieuses. On est perdu, totally lost, et c’est ça qu’est bon. D’accalmies trompeuses en assauts qui se fissurent, Bonkers Crew allie créativité, singularité, et mainmise sur un registre qui, on le répète, n’est pas de ceux qu’on tient sans peine aucune. Ce qui, pour un premier LP, distingue déjà de manière marquée la formation sudiste et lui permet des débuts probants.