Sorti en 2008 Les Nymphes, de Martin Rev « from Suicide« , succédait à To live (2003), dont il diffère de par, entre autres, l’absence des guitares puissantes qui jonchaient son prédécesseur. Les deux ressortent, via le label allemand Bureau B, et c’est un bonheur de les redécouvrir. Sur celui-ci les synthés reprennent les commandes et la diversité des climats fait que très vite, on s’en entiche. Spatial, doté de voix éparses mais bien psychotropes (Valley Of The Butterfly), techno mais façon Rev, il s’amorce déjà de manière passionnante quand résonne Sophie Eagle et ses sept minutes passées de voyage dans le cosmos, trituré, répété jusqu’à la possession. Avec, là aussi, des chants cosmiques, disséminés, qui font leur effet. Un titre drogué, donc addictif. Sauf que là la substance, personnelle, est de nature sonore. Narcisse, étoilé, nuptial, la rendant d’autant plus nécessaire. Dans le refus de l’inerte Martin Rev, en perpétuel défrichage, développe des textures qui capturent. Vocaux à nouveau rares, minimalisme décisif, on aime. Beaucoup, voire excessivement. Triton, avec ses guitares trash féroces, joue de son côté une électro virevoltante. Et, qui en doutait?, enlevée à souhait. Merci Bureau B, j’adore. Venise, flouté, un tantinet exotique, prolongeant l’extase en se gondolant (notez l’humour). Les Nymphes, vous l’aurez saisi, est un must en dehors de tout cadre défini. Passé le Valley Of The Butterfly cité plus haut, c’est Les Nymphes Et La Mer qui, après avoir réinstauré des guitares-silex, les pose en support d’une sorte d’indus aussi brut que rêveur.
Alors que Dragonfly, céleste mais traversé de guitares qu’on jurerait prog, s’agite en trip électro envoûtant. Perché, comme souvent, là-haut. Phaetone, d’obédience presque dub dans ses effluves de début, percute à son tour la psyché. Attention, la dépendance guette! Elle est même, à vrai dire, d’ores et déjà de mise. Phaetone se confuse, embrume les sens. Délice. On s’y perd, on s’y abandonne, avec une réelle délectation. Nyx, quasi jazzy, de chants derechef éparpillés, en remet une salve. Il s’élève, à son tour, dans les cieux. Nous aussi. Daphne fait surgir des sons qui désarçonnent, des traces funky, pour finalement se situer nulle part. Parce que Les Nymphes, tout comme la discographie de Martin Rev, ne se range surtout pas. Cupid non plus, techno aux voix (en est-ce vraiment?) détournées. Les durées des morceaux, la plupart du temps conséquentes, en étirent la portée. Deep temple, sur vocaux plus « présents », dessine la dernière immersion sans qu’on en décroche. Il y a dans Les Nymphes cette touche, cet apport individuel, cette déviance récurrente qui embarquent et interdisent la redescente. To Vow, dans une cascade de sonorités qui trépignent, sur textes une dernière fois brumeux, mettant fin à une ressortie qui, semblablement à tout ce que fait Bureau B, conduira l’auditoire bien au delà de ses espoirs de la première heure.