Après DEGAGE et Lulu Van Trapp la Lune, dans un trimestre gavé de dates délectables, proposait en ce samedi deux trips que dans un premier temps je n’ai pas cochés, allez savoir pourquoi, afin d’en être. Au dernier moment je changeais d’avis, bien m’en pris car Walter Astral et Kit Sebastian, dans deux registres différents mais ayant pour trait commun de nous faire quitter nos bases, ont à leur tous conquis les lieux. D’attaque, pour ma quatrième soirée live de la semaine, je pressens en fendant le bitume, une brassée de vagues sonores d’orient, du lointain, qui font décoller. Je parque mon tank, le long ce ce boulevard du Cange qui très souvent me mène à l’antre Lunaire. Encore clairsemé, le public sera bien plus fourni inside que sur le pavé du quai Bélu. Le Quai, à côté, accueille une poignée -restreinte- de mangeurs. Le temps est maussade, c’est bel et bien lui qui semble t-il, oriente les choix du peuple. Qu’importe, il ne me freine pas et c’est avec joie, ce soir encore, que je fais le planton devant le passage Bélu. Il en a vu! Les artistes, de retour du repas, justement, poussent la porte. Ca aiguise ma soif. De live, d’IPA du bar, de sonorités qui transportent. Je vais être servi…
Walter Astral.
En effet Walter Astral, duo au look remarquable qui me ferait d’abord songer à de vieux fans de métal d’antan ou bien de rock 70’s, d’un talent inattaquable, va se charger de tous, au son d’une pop « psychorientale » aux effets jubilatoires, nous arracher à notre état usuel. De banjo déroutant en guitares rock elles aussi bonnardes, de chants aériens en nappes de claviers rythmées, parfois plus célestes, la trouvaille est foutrement de taille. Hyperdruide, le récent ep de la paire, est ici transfiguré, transcendé, sans perdre de sa foutue accroche. Voilà un projet qui derechef, car c’est une constante sur les lives de la Lune, déploie une identité très forte. Bien vite, je hoche la tête, assez vivement, dopé par ces guitares nerveuses. Il y a là du Air, dans ces volutes qui s’élèvent. Mais notez-le bien, c’est Walter Astral et ça ne se compare pas. Ces deux-là sont, de plus, d’une sympathie à citer en exemple. « Tout a commencé dans l’eaaauu salée », clamant-ils doucement. Alors plongeons-y car la mixture vaut le détour et, se trimbalant entre psychédélisme avenant, force rock et machines qui cadencent la danse, enivre soniquement. L’inventivité s’entend, elle jalonne le gig, court mais accompli, des deux hommes. On plane, des loopings nous bousculent, on atterrit sur une terre de bonheur, de régal à la Walter Astral.
Walter Astral/Kit Sebastian.
Ils remontent l’escalier, je les félicite. C’est pas volé! Je redescends, j’efface mes mauvais clichés; ça tue utilement le temps. Le scène mue, l’assemblée fait corps. Kit Sebastian prend place, nous allons dès lors nous immerger dans un univers où sons d’Anatolie, jazz, senteurs tropicales et classe d’une guitare racée, mais aussi de ce clavier qui parfois chope le sax, s’allient au chant de Merve Erdem, originaire d’Istanbul et qui le fait valoir, ainsi qu’à une rythmique ondulante. Le tout dans plusieurs langues, dont la notre de concert, c’est le cas de le dire, avec l’Anglais et évidemment le Turc. Basé à Londres, désormais, le groupe est musicalement mondial. Typé au delà de l’espéré, son live se fait voyage. On ne se fait pas prier, à nouveau envoûté, pour s’y abandonner. Dans ce set, j’entends Altin Gün, ou encore Lalalar. Autrement dit, c’est du millésimé. Du certifié, scellé par des musiciens qui n’ont besoin de personne pour esquisser leur propres champs sonores. Kit Sebastian ne se définit pas, il s’écoute et, en l’occurrence, se vit sans modération.
Kit Sebastian.
La Lune ne s’en prive -surtout- pas, elle se déchange et de ses mains, trace des figures initiées par la chanteuse, par un ensemble d’allure certaine. Et d’allant, quand ça lui prend, sans bride. Kit Sebastian, messieurs-dames, met en liesse et gomme la tristesse. Et dire, comme précisé plus haut, que j’étais à deux doigts de rester cloîtré! C’eût été dommage, mais je me suis rattrapé et j’avais quoiqu’il en soit le désir, ardent, de m’injecter ma vitale dose de live. C’est chose faite, après salut sous clameurs Kit Sebastian revient, c’est le moins qu’il puisse faire, pour de manière définitive, clôturer le temps fort que nous lui devons, ainsi qu’à son talentueux prédécesseur. Tout cela à l’issue d’un début de nuit, encore et encore, de teneur savoureuse.
Kit Sebastian.
Photos Will Dum.