Habitué au duo, avec son batteur Julien Rufié, Michel Cloup a cette fois opté pour le solo total ou presque, après l’excellentissime A la ligne-Chansons d’usine où Pascal Bouaziz se joignait à la paire. Après, aussi, un non moins valeureux Danser, danser, danser sur les ruines enfanté avec son cogneur favori. Ici, il nous propose un Backflip au-dessus du chaos et si le discours tend, dans son titre comme dans ce qu’il narre, à faire la nique à notre amer quotidien, via la vision aiguisée du toulousain, il se pare en l’occurrence d’une rugosité récurrente, qui m’enthousiasme sans discontinuer. Guitares évidemment, boites à rythmes, synthés analogiques déglingués et textes clairvoyants constituent son arsenal, offensif au possible. Sur l’incitatif Lâcher prise, par exemple, son jouissif boucan atteint son paroxysme et ce, sur plus de sept minutes en rut. Les guitares bavent, entrent en crue. Le rythme est sec, saccadé, qui plus est entrainant. On en est au mitan de l’opus mais pas si vite, revenons donc à l’amorce qui tenant en un En attendant demain nerveux, convulsif, noise et ramassé, nous rend l’aujourd’hui bien meilleur. Le Backflip est une figure périlleuse, un brin casse-cou et Cloup, pour le coup, fait un peu le kamikaze. Sonore, cela va de soi, pour notre plus grand contentement. Bordel, heureusement qu’il est là, bien qu’ayant outrepassé la cinquantaine.
On jurerait d’ailleurs que non, tant le gaillard se montre vert et empile les bourre-pif de haute volée. Il les sertit de bruits vrillés, Mon ambulance les fait rejaillir et c’est sûrement pas pour le pire. Il y a, aussi, ce chant reconnaissable, presque innocent dans sa description de notre ère en déconfiture. « Viens avec moi, mourir de rire, et de joie ». J’arrive! Backflip au-dessus du chaos est une échappée, un pied de nez à l’époque, qui se trimbale entre rock raide, incrustes électro et rhétorique sans concessions, pour faire court. Introspection, fonceur, développe une dynamique punk-rock, se termine dans un torrent de grattes-cratère. Il est dense, il se danse. Vivement. Sur les ruines? Un peu partout, dès lors que tu le joues. Plutôt que de retomber Brûle Brûle Brûle, électro/rock/indus, riffe cru et te roule dessus. Tu nous gâtes Michel, on n’en demandait pas tant. Enfin si, à vrai dire. On en redemande, même, de ces coups de trique salvateurs.
Après le Lâcher prise cité plus haut Résurrection, plus posé, voit ses guitares se faire plus claires. Le texte prend les rênes et ma foi, il n’a rien perdu. De son vrai, de son souci de l’autre, de sa criante humanité passée au filtre de décennies qui la nient et la dessoclent. Le propos se durcit, puis c’est fini. Dix ans, lui aussi plus bridé, privilégie l’aérien, au son de guitares encore une fois profitables. Il fait, presque, dans le serein. Michel Cloup, défendra sa pépite, sur scène, avec Julien Rufié, qui a contribué à la programmation rythmique de deux titres sur la chaude galette, et Manon Labry, de No Milk Today, à la guitare et à la basse. Ces deux-là ont apporté, en ce qui concerne l’opus en présence, une contribution à hauteur de leur touches respectives.
Vieillir, d’abord électro-psyché, lance la dernière ligne droite en s’élevant bien haut. Michel nous encièle, il nous soumet à des secousses façon Young Gods. L’azur est couvert, le titre s’emporte, se clôt dans du sonique nourri. Qu’est-ce que je l’aime, ce Backflip au dessus du chaos! J’en vieillis mieux, revigoré par ses stridences et fulgurances. Sa sève m’inonde, Ciao bye bye s’élague de tout bruitisme mais revêt une peau électro qui tranquillement ondule, céleste. Michel Cloup est ici à son zénith, ardent par tous temps, inspiré comme jamais ou plutôt, comme toujours. Ciao bye bye est beau, mais ne peut s’empêcher de virer rugueux. C’est tant mieux. En toute fin de saut L’internationale 2022, à l’introduction bellote, du passé fait table rase. Nous ne sommes rien, soyons tout. C’est bel et bien ça, monsieur Cloup. L’espoir est plus que jamais de mise, ta relecture le ravive magistralement et conclut ton disque avec une prestance pop déliée qui ne fait qu’en pousser l’impact. Superbe ouvrage, fait de rage, d’espérance clamée ici avec force sons colériques, que ce Backflip au dessus du chaos. Et vivement la scène!