Ecrivain français d’origine allemande, auteur, déjà, de plusieurs ouvrages linguistiquement inventifs, Andréas Becker met ici en son l’un d’entre eux, « Alcool mon Amour ». Emmanuel Bigot, au piano, accompagne ses mots. Et c’est beau, touchant, poignant. C’est profond comme un verre vide, Becker d’ailleurs a lui-même connu la maladie. Il semblerait que désormais sa dopamine soit devenue dope à mine. Son écriture est inspirée, au plus près du vrai. Son accent en surligne la portée, Néant et son décor sombre que le piano fait reluire tend déjà un climat prenant, use de mots au delà de l’élevé qui, sans tricher, narrent la plongée. Le goulot ouvert, l’addiction en couple, un cheminement qu’on devine jonché d’embuches. L’homme paumé, quasiment à nu, nous le rend touchant, cet alcoolique. Becker, c’est là que réside sa force, conte l’alcool avec superbe et vérité. Je n’en peux plus, agité, percussif, s’intime d’arrêter. « Il faut sacrifier l’alcool, sinon ce sera toi le sacrifié ». Passé de l’autre côté, celui de ceux qui aident, qui accompagnent avec le bagage de ceux qui savent, Andréas signe un opus enivrant. Musicalement sobre, et pourtant si intense. La nuit, l’angoisse. Des ressentis, à la pelle. La perte. De soi, du temps. Mes comprimés, et là moi l’éduc’, je songe à « mes » SDF qui en font usage, détourné. Mes braves gars, accrocs, n’ayant plus de crocs.
Becker évoque lui l’ailleurs, je le connais bien. Un ailleurs souffrant, traître refuge, fatal échappatoire. Après ça C’est ma vie, chanté avec emphase, tire le bouchon. Mégapole des Vermines, il a à l’écoute bonne mine. La dernière goutte nous sert une histoire si bien dite qu’on pourrait, presque, la vivre. Jusqu’à La dernière goutte, en pianotant dans l’ivresse. Au secours, folie. Le docteur Furstenberg, qui en a tant vu. Tant entendu. De toutes sortes, de toutes castes, dans tous les états. Personne n’y échappe. C’est grave docteur? Ca peut l’être, oui. A l’issue de toute désillusion, peut poindre la bouteille. La diction, ici, met en exergue le propos. L’ornement angoissant, sur L’asphyxie, en rend l’intitulé d’autant plus éloquent. Mégapole des Vermines est en tous points addictif, c’est sans modération qu’on l’écoutera. A chaque passage, on lui trouvera d’autres sens. De ses poèmes éthyliques Andréas, Emmanuel comme complice aux touches de noir et de blanc, captivera celui qui ses oreilles lui prêtera. Je n’ai jamais rien trouvé, de verres en bouteilles, de bouteilles en cubi, voit le dépendant (se) chercher. Sans (se) trouver. Il ne cherche plus. J’ai trouvé, moi, Mégapole des Vermines.
Je lui lève mon verre, d’une rasade je le parcoure. Cul sec, je le descends. Il est trop bon. Alors je le savoure, tout de même, en écoutes successives. J’en dépends, à mes dépens. Demain j’arrête. Ma tête est vide. J’aime l’alcool, en épitaphe, prend des airs de happy end. L’Amour triomphe, Bigot et son piano le célèbrent et pour cela, des mots de Becker ils se font l’écrin. Ecrin de vin, d’un cru goûtu. C’est ma tournée. Ce lundi j’y retourne, rassénéré. Mégapole des Vermines, je vais me le payer. En livre. Entre chaque épisode d’alcoolisation, quand mes gaillards de rue au labeur s’oublieront et peut-être, se réaliseront, dans mon bureau je le boufferai en buvant le thé. En son je l’écouterai, à la maison, jusqu’à complètement l’assimiler car ce type d’effort mérite, et exige, nombre d’essais avant de totalement se révéler.