20 ans, une compil et 3 dates destinées à marquer le coup. Maëlle & Arnaud Le Gouëfflec, co-fondateurs de cette Eglise pas tout à fait comme les autres et désormais inscrite dans la durée, répondent aux questions de Will Dum…
MAELLE & ARNAUD LE GOUEFFLEC/DELGADO JONES Crédits: Mélanie Le Goff/John Delahaye
1. Comment votre Eglise (de la Petite Folie) s’est-elle construite ? Quel est son mode de fonctionnement ?
J’ai toujours eu en tête de créer une structure autonome, et je pense que ça vient des années 80, de Bérurier Noir, et du logo « Folklore de la Zone Mondiale ». A l’époque de mon premier groupe, Le petit fossoyeur, on avait créé une SARL appelée Brontosaure Productions. Quand le groupe s’est terminé, on a créé, ma femme Maëlle et moi, l’Église de la petite folie, après quelques refus auprès de maisons de disques. La nécessité fait loi : sans structure, mes petites cassettes de l’époque seraient restées dans un tiroir. Maëlle et moi dirigeons la structure, elle s’occupe des finances, Gildas Secretin du graphisme, et John Trap est l’homme du son.
2. Pourquoi, d’ailleurs, ce nom ? Quelle serait la « Petite Folie » qu’évoque cet intitulé ?
L’Église de la petite folie est le nom d’un culte vaudou haïtien, la pocomania (petite folie). A l’époque, je me passionnais pour le vaudou, les artistes Haïtiens. J’étais surtout fasciné par le côté cabinet de curiosités des autels vaudous, et cette idée de profusion, de magie profuse. Une folie, mais soigneusement cultivée, décantée. Comme dit Conny Plank : « La folie est une chose sacrée. » Nos deux influences : Le studio Black Ark de Lee Perry, qui est le palais idéal du facteur Cheval de la musique jamaïcaine, et Saturn Research Records, le label infini de Sun Ra.
3. Le label a désormais 20 ans, quelles sont à votre sens les étapes décisives de son parcours ? Et, s’il en existe, ses artistes-phare ?
Les étapes ? La sortie de La Vie sous Cloche en 2002, qui est le premier disque du catalogue : c’est une compilation de cassettes préhistoriques enregistrées dans les années 90. Puis la création du Festival Invisible en 2007, qui nous a permis de sortir d’une certaine enclave géographique en faisant venir ici, à Brest, des gens qu’on admirait. Ensuite, la rencontre avec John Trap en 2009, qui a donné un second souffle au label et l’a ouvert en grand. Et enfin la création du Studio fantôme, structure de production de spectacles, en 2014, qui nous a entraînés dans des aventures scéniques.
Les artistes sont tous phares, c’est un label multiphares. Je les cite : John Trap, ooTi, Valier, Centredumonde, Garden With Lips, Papapla, Delgado Jones, et moi.
4. Qu’est-ce qui caractérise un artiste estampillé « Eglise de la Petite Folie » ?
Il vient du rock et il lui en est resté quelque chose. Il a un pied dans l’expérimentation. Il a le goût de l’étrange. Il cultive une petite folie.
CENTRE DU MONDE/GARDEN WITH LIPS Crédits: Matthieu Dufour
5. 20 ans, c’est synonyme de fierté non, sachant la difficulté qu’une structure peut actuellement avoir à tenir dans le temps ? Qu’est-ce qui selon vous, vous a permis (et vous permet toujours!) de vous inscrire dans la durée ?
Notre petite taille nous a toujours permis de traverser les crises. Quand c’est la crise, on dort et on attend que ça passe, ou alors on avance doucement, bien collé contre le sol, comme un scarabée préhistorique.
6. Y’aura t-il, ou y-a t-il eu, des évènements particuliers pour les 20 ans de l’Eglise de la Petite Folie ?
L’Orage est sorti après le premier confinement. Il n’a pu être joué live que deux fois, à la Carène (Brest) et à Hydrophone (Lorient). On a donc décidé de lui donner une deuxième vie, et de la faire coïncider avec l’anniversaire du label. On a joué le 22 octobre au Novomax à Quimper, et on jouera le 26 novembre au Cabaret Vauban (Brest) et le 2 décembre au Jardin Moderne (Rennes), avec Papapla, dernière signature du label et formidable duo spécialisé dans les comptines impassibles à forte charge émotionnelle.
JOHN TRAP/PAPAPLA Crédit Papapla: Jérôme Sevrette
7. Quelle est la place du mot dans les sorties cachetées Eglise de la Petite Folie ? J’ai cru comprendre qu’il occupait « un certain rang »…
Je crois qu’il manque un mot, justement 🙂
8. Les 20 ans étant atteints, vous projetez-vous sur l’avenir et, pourquoi s’en priver, sur le fait d’en arriver à 30 ans d’existence ?
Je ne sais pas. La période est tellement chargée qu’on se contente d’avancer pas à pas, le ventre collé contre le sol, comme des scarabées préhistoriques (ah oui, je l’ai déjà dit, ça). On se projettera quand on arrivera à se remettre en station debout 🙂