J’en aime l’univers, la pénétrante froideur. Pour cette raison j’avais mis la venue de The Soft Moon en évidence dans mon calendrier du live, ayant de plus reçu son excellent Exister récemment. Un disque un peu plus nuancé, à mon sens, qu’à l’habitude, mais malgré tout de haut vol. Arrivé à la Lune après la sempiternelle recherche de place où parquer la charrette, un brin irritante, j’échange avec Denis qui joue pour sa part dans Panik LTDC. Attiré par The Soft Moon, il affiche la même curiosité que celle qui anime Romain, avec qui je devise dans les gradins sur le regretté Rockin’ the Docks qui se tenait autrefois à Corbie, tandis que résonne dans les enceintes le son de Jessica 93. Nous y vîmes de valeureuses formations mais ce soir c’est The Soft Moon qui tient la barre et Pyrit, chargé de lui déblayer le terrain, va surprendre son monde en jouant, en multi-instrumentiste aussi inspiré que torturé, une « zik » indéfinissable. Et captivante puisque totalement décalée, avec au bout du compte un énième temps fort résultant d’une première partie. Thomas Kuratli, derrière ses claviers et percussions, fait dans le céleste entrecoupé de secousses bien plus remuantes, vocalement c’est le même topo et grimé, le bonhomme fascine autant par sa théâtralité que par la valeur d’un registre personnel. Pyrit a du spirit (aïe…), un monde attractif et des attitudes qui trahissent, évidente, son implication dans ce qu’il entreprend.
Pyrit.
L’applaudissement est encore timide, Pyrit le mériterait bien plus nourri. Qu’importe, son impact ne se contestera pas. La foule se fait alors plus dense, tassée. Avec quinze minutes de retard qui me font protester (intérieurement), Luis Vasquez et ses deux acolytes, section rythmique soudée et pulsante, font leur apparition. Sad song, funèbre, amorce le set. Atmosphérique, il n’augure que très peu de ce qui va suivre car Burn, torpille post-punk dopée à la basse cold, arrache tout ce qui se trouve sur son passage. Le concert déchire, s’il se montre parfois immuable il m’offre ce que je voulais en l’occurrence trouver. Du givré, puissant, joué vite et sans trop d’ interstices. Parfois le rythme redescend, restant appuyé (Insides, entre autres chansons régalade). On pense, ça va sans dire, à la vague cold mais aussi à Nine Inch Nails au détour de certaines réalisations. Vasquez, guitare en main, se plie et s’agite, tournoie, nous gratifiant de parties brulantes. Become the lies en remet une louche, presque pop dans le chant mais d’une portée jouissive. NADA, dans la caste des compositions mid-tempo, produit les mêmes effets. The pain, tiré d’un Criminal que j’écoute à intervalles rapprochés, se niche dans la catégorie des roquettes cold imparables. Le live, on s’y attendait, transcende tout ça. Like a father, électro-cold obscure, achève de convaincre l’éventuel récalcitrant. Je vois des fans, bonheur dans les yeux, gestuelle jubilante, chanter quelques mots. Wasting, climatique, étend la palette d’un live plus varié que ce que j’avais intialement perçu.
The Soft Moon.
Vers la fin Monster, céleste et vaporeux, confirme mon constat. Acclamé, le clan quitte les planches Lunaires. Son concert fut physique, tranchant, aiguisé, porté par une âme aux sentiments contrastés. Ca porte ses fruits, les plus grandes oeuvres émanent souvent d’êtres en proie à une certaine forme de mélancolie. Au bout des cris, The Soft Moon revient. Die life, sonique et cadencé, fulgure à tout-va. Diantre! Ca purge, ça expie. Want finit la fête, entre touches indus et milieu cold au chant susurré pétri d’angoisse. Une fois de plus comblé, je me dirige vers les escaliers et croise alors le père Vasquez, transpirant, auquel je lance sobrement un « Very good gig! » qu’il ponctue d’un Thank you! qui aura tôt fait de parfaire ma soirée. Je peux alors battre le pavé de Saint Leu, le pas pressé car au retour je le sais, je glisserai dans mon lecteur le Criminal cité plus haut. Sur mon chemin les bars vivent, pleins de jeunes en liesse ou dans l’ivresse. La mienne est sonore, elle a pour nom The Soft Moon et à l’heure où j’écris ces lignes du matin, Burn accompagne la félicité d’un week-end que le son, vous l’aurez compris, saupoudrera une fois de plus généreusement.
The Soft Moon.
Photos Will Dum.