Quoi de plus enivrant, étourdissant, qu’un album actuel des Black Lips? Eh bien un nouvel album justement, comme l’est ce Apocalypse love qui musicalement, invente et rassemble, sortant de plus chez Fire Records. D’un exercice country superbe (Stolen Valor), on aura d’abord déblayé avec force cuivres (No Rave, première salve addictive à la rythmique-serpent sur fond de voix aigüe, imparable). Puis Love Has Won, d’un rock aussi élégant que sulfureux, se sera chargé d’entériner le haut niveau de la triplette de départ. Les efforts sont bien ornés, le contenu est imprévisible. Lost Angel, surf et western fuzzy/racé, l’élargit d’ailleurs. Quel que soit le style choisi, le quintette dégage une putain d’allure. Whips Of Holly, électro-disco en son début – enfin je crois, c’est ainsi que je l’entends-, se vrille et se fait beau dans le même temps, noisy. The Black Lips se plaisent, visiblement, à flouter nos repères. On l’accepte, si le rendu s’avère être de ce rang. Apocalypse Love, éponyme donc, souffle de légères traces bluesy-country. C’est réussi. Posé ou osé, tranquille ou dégingandé, l’opus est très largement à son avantage.
Pour lui faire suite Operation Angela, sous les deux minutes, file bon train. Mélodique, étoilé, mais vivifiant. Crying On A Plane ralentit clairement, mais conserve la superbe qui singularise le disque. Psyché, léger, cuivré il fait mouche et mine de rien, se fait bientôt tranchant. The Black Lips étendent un savoir-faire qui leur permet, à l’évidence, d’écraser la concurrence. Sharing My Cream rappe et funke, il fusionne comme aux plus belles heures de la mouvance en question, un tantinet tribal, serti de sons ensorcelants. Accroc je suis, à ce titre comme à d’autres. Among The Dunes, ensuite, sert de beaux cuivres. Un peu jazzy, il remet de l’éclat dans un Apocalypse love qui n’en était déjà pas exempt. Il hausse le rythme, là aussi on succombe. Ca joue bien, l’imagination est pour le coup et partout ailleurs à son summum. Tongue Tied, à la batterie soutenue, aux cuivres -décidément- éloquents, sème sa joie et met en liesse. Des spirales de sonorités tordues s’échappent, jouissives.
On écoute ça bien fort, histoire de tirer profit du relief de la galette. Antiaris Toxicaria, au galop, joue une sorte de folk-rock là encore insurpassable. Dans le labyrinthe des Black Lips, à chaque recoin tu stopperas puisque la musique tu aimes. On en vient alors, néanmoins, à la toute fin de la party. C’est un The Concubine subtil et gracieux, assez vivace, qui vient fermer la marche. Ici les chants se croisent, le morceau est finaud. Il oscille entre pop, tons folk, inflexions country et tout ça s’équilibre superbement. C’est fini mais la clique d’Atlanta, en treize perles étincelantes, met tout le monde d’accord et signe un dixième (si si) travail à placer sur les plus hautes marches de l’escalier musical actuel.