« Tchot Vernay? Ch’est ch’meilleur min bi »!, me lance la voisine du dessus, alors que résonnent dans son 2 pièces en vrac les sons de Portishead tandis qu’hier, c’était Tricky qui enfumait son logis. Je fictionne bien sûr, à l’heure où d’aucuns fabulent. Mais il n’empêche: Vadim le grand, Vadim le généreux, nous refile ici un Hang Tight à la superbe continuelle, sensible, écorché, à la folk zébrée de stridences délectables. Tout à la fois sauvage et peaufiné, l’opus voit notre homme, déjà probant sur son It will be dark when we het there (2015, ça fait une paye mais rassurez-vous, Vadim n’a depuis pas chômé). Il y a eu Soundtracks I, sur lequel je n’ai pas eu le temps suffisant pour me pencher. Je le regrette mais déjà Self Inflicted, de ses notes qui s’enfoncent dans l’esprit, de sa patine vocale à deux, écrase mes résistances et ce d’autant plus qu’à son mitan il gronde, se fissure, s’obscurcit jusqu’à te couper le souffle. Gustine (Fakear) est du jeu, côté guests on a ici la crème du son de nos contrées et Hugo Cechosz (Eiffel, Miossec) pousse Vadim à conserver, décisifs, les penchants bruts de ses maquettes. On est happé, passé l’ouverture How et ses syncopes puissantes, ses susurrations sombres, le confirme; Hang Tight excellera, ou ne sera pas. Tendu et haletant, inquiétant, il est aussi, quand il retombe, élégant jusqu’à ses sous-vêtements (c’était, ça, pour la rime mais j’y trouve malgré tout du sens). Ca se produit, par exemple, sur le subtil Your smile. Mazette, les larmes poignent presque.
Je suis, pour le coup, complètement dans mon élément. Puissance rentrée ou plus ouverte, éclat de l’instrumentation, un Gallows Tree à l’envolée splendide. La matière est là, rougeoyante, sublimissime. En retenue, pour imploser d’une manière qui laisse tout son monde le séant par terre. On renoue alors, quand vient Quicksands, à la pureté folk qui bien souvent, fit la renommée du bonhomme. Et c’est à LA MAIS°N, son label de toujours, que l’écrin fut façonné. L’encart de Quicksands, imparable, surligne la valeur de Hang Tight. Puis That Curse, apaisé, lorgne vers la folk, dénudée, évoquée plus haut. Subtilité du chant, du décor aussi. On retrouve, derrière la force des morceaux, une touche d’optimisme. Ca sonne merveilleusement, l’instant suivant No Safety Catch et sa démence vocale façon Nick Cave sous possession -le titre, rappelons-le, fut écrit de nuit, en 2017, après le « superbe » débat Le Pen-Macron- subjugue à son tour. Il est, de fait, amer et combatif. Il contribue, de par sa texture, à valider les atours belliqueux de Hang Tight. Spellbound, électro dark, rock bridé aux guitares menaçantes, fait d’ailleurs de même. Tiens bon cher auditeur; Hang Tight, en ces temps troubles, t’offre ses divines formes. Lucky enough, tu louches avec lui vers un horizon épuré. Romantique, mais pas trop romancé, tout de même. P+++++ c’est beau, cette chanson fleure le sentiment et, on l’aurait parié, la désillusion qui l’accompagne. Vadim se figure, en l’occurrence, la happy end qui aurait pu couronner son adolescent amour. Les cordes, majesté en poche, l’y aident.
Photos Ludovic Leleu.
Plus loin, Was It You ? poursuit sur cette voie sans heurts, déparée ou presque des montées sauvages qui ornent l’album. Celui-ci n’en est que plus marquant encore, A Sunday Night Song s’encorde et accroît le charme tantôt vénéneux de la galette. Fin, Vadim se repositionne alors sur des sentiers paisibles. Sa route s’élague, son Hang Tight a tenu le choc, nous avec et je jurerais même, qu’on en ressort ravi. Malmené, sous couvert de bienveillance, mais ravi. Bad Land Alley se charge de clore, à nu lui aussi, un chapitre de haut vol dans le parcours d’un Vadim Vernay dont le talent mérite une vraie reconnaissance, de la part des plus élevés. Je pointerai le finir le fait que ses lives, j’en veux pour preuve celui vécu à la Maison de la Culture au début de cette semaine, poussent jusque dans ses derniers retranchements le rayonnement de l’opus concerné, pépite intégrale à se procurer toute affaire cessante.