Ben dis donc mon Vadim, tu nous as bien retournés hein? Je commence par la fin mais comprenez-moi, la claque reçue ce mercredi soir m’y oblige. Depuis longtemps j’avais noté, coché, stabiloté cette date amienoise, première d’une jolie série départementale/régionale. Avant ça j’avais reçu l’opus, somptueux. Hang tight, donc, que l’homme à l’âme grande, parfois en peine, parfois vague (à l’âme) nous a interprété dans le Petit Théâtre de la « MACU« , épaulé par une ribambelle de musiciens dont personnellement, je ne cesse d’ exerguer (comprenez par là, mettre en exergue) le talent débordant. C’est pourtant seul que dans un premier temps il investit la scène, dans une pureté dénudée qui déjà subjugue. Mais le bougre est malin, il a dans son cercle les meilleurs et avec eux, à l’unisson, voilà qu’il nous délivre une éclatante série de morceaux à la colère rentrée. Il faut dire qu’outre son chant si expressif, l’homme compte dans ses rangs, jugez donc et excusez du peu, pêle-mêle; la guitare toute en venin de Romain Caron, la frappe infaillible de Jocelyn Soler et pour faire bonne mesure, c’est le moins qu’on puisse dire, Louis Morati à ses côtés. A la guitare, tenez-vous bien, Fabien Lippens. Tu croyais peut-être, lecteur, lectrice (Philipe Lacoche, si tu me lis..) que Vadim ferait dans la suffisance?
Que nenni, à cette merveilleuse liste tu peux même adjoindre une merveilleuse dame, Marine Bailleul, au chant et à la harpe, alors que Gautier Lavallard tient le violon et Adrien Noble le violoncelle. En octuor donc, dans un or rougeoyant, le rock de notre Tricky samarien, doté d’un fiel distingué à la Nick Cave, fait mouche et très vite, provoque des hourrahs nourris. De feu et tout en beauté, Hang Tight flirte avec les sommets. Il foudre et tempête, l’instant suivant il sombre dans des abimes de magnificence. Il gronde, ondule, caresse histoire de panser les plaies. Le tout, sans discontinuer, avec panache et maestria. On est aux anges, consigné en côté de scène je n’en rate pas une miette. No safety catch, entre autres, ensorcèle son monde. Romain, ente gitan et saltimbanque dans le look, mon dieu cette classe si wild, tort son manche et acidifie un live brulant, ardent, transcendant (Spellbound, le grandiloquent Quicksands ou encore How, et je résume!), joué avec le coeur, joué avec les tripes. Les voix tantôt s’unissent, Self inflicted aura d’abord injecté la première dose léthale et à sa suite, tout le reste nous aura plu dessus. A côté de ces déferlantes racées et bien tracées, on se sera aussi fadé des trésors folk maison, façon Vadim si tu préfères. Bien qu’assis nous soyons, ce dernier nous renverse.
On dépose les armes, vaincu. L’univers Vadim, dont surgissent des bruits qui addictionnent, marie éclat et coup(s) de tonnerre. Il est pur, sans fard, démaquillé. Vadim se livre, se raconte sans se la raconter, de Marine il effleure la main et cette dernière, espiègle, féminine, encanaillée, charmante sans être charmeuse, apporte là une touche ravissante. Harpe ou chant, en coton ou dans le cri, elle émeut, émerveille, enthousiasme. Marine, disais-je? Erreur, c’est l’ensemble. Chacun, à son (très haut) niveau, se met au service d’un collectif huilé, valorisé par des lumières remarquables. Le groupe nous quitte, à cette heure nul ne doute de son retour. Reste assis l’ami, le festin n’est pas fini. En une poignée de rappels, le gentilhomme Vernay et ses complices de scène servent le digestif à une foule d’ores et déjà repue. Quand sonne le départ mon voisin Charles, guitariste des « très à connaître » Last Night We Killed Pineapple, concède avoir pris une gifle. Qu’on se le dise, il est loin d’être le seul. Le Petit Théâtre en ressort tout entier grandi, à vrai dire il chavire pour le meilleur bien plus que pour le pire. Superbe soirée.
Photos Will Dum.