J’avais, déjà, beaucoup aimé leur album. Alors lorsque j’appris que les Suisses de Tout Bleu étaient conviés par notre « Briket’ » locale à l’occasion de son magnifique festival L’Homme aux deux oreilles, je décidai illico de fendre le bitume, malgré l’horaire tardif de la prestation. Bien m’en pris, le groupe était quasi prêt à mon arrivée et courte fut l’attente, au sein d’un bâtiment merveilleusement rénové. Dans son écrin intime, en quatuor uni qui n’hésite toutefois pas à quitter le cadre, Tout Bleu débute donc un set qui tout à la fois enchante, déroute, fait du bruit à l’occasion et invente un langage nouveau. Nous voilà tous, et ce n’est pas rien, à vivre un temps unique. Que je ne qualifierai pas, car Tout Bleu s’écoute et floute les pistes, jusqu’à dégager la sienne. Psyché oui, mais dans la torsion, dans le virage, dans l’étrangeté prenante. Electro aussi, mais pas plus normée. Serein dans le bizarre, bizarre dans le serein, le clan des quatre laisse la part belle à à l’alto, au violon, qui embaument mais peuvent tout autant déraper. Ca virevolte avec classe, un coup d’oeil à l’assemblée m’impose un constat; c’est presque religieusement qu’on suit ce concert. On dodeline, rêveusement, du chef.
Sonique est le trip, dans la ouate ou le plus vrillé (Ce sera), parfois entre les deux. La cheffe d’orchestre, Simone Aubert, donne le la d’un son qui exige l’immersion. Qui, également, insuffle l’apaisement. Se syncope, se déchire, lance des sonorités qui ne s’inscrivent pas dans le conventionnel. Tout Bleu est céleste, un peu azur, un peu plus tourmenté itou. Il hypnotise, presque ambient mais en fait non. Il est Tout Bleu. Lui-même. Ca ne fait, ce surplus d’identité, qu’asseoir sa portée. Son live est court, c’est à mon sens la bonne option car ça maintient, sans nul doute, un intérêt optimal. De torpeur en nappes sonores, on navigue à vue. C’est samedi soir, Ere de rien on se fait lentement envoûter. Sans résistance. Signé chez Bongo Joe, le quatuor tisse et esquisse des canevas exquis, percussionne de temps à autre et ravit la foule de la Briqueterie, gâtée par un festival dont Tout Bleu fut sans conteste possible l’un des fleurons.
Photos Will Dum.