Déjà Muzzartisé ici, Lent m’avait surpris, à l’heure où je le découvris, par sa liberté de ton. Sur six titres, il cheminait en mariant textes foufous -imagés tantôt-, électricité sans filtre et plans plus contemplatifs. Avec Au galop, le clan des cinq récidive sur neuf morceaux, sur fond de mots sots et de cavalcades d’un jazz sorti de ses gonds. Ils en viennent, ça s’entend parfois mais de suite Bière-feuille-ciseaux (en termes de fantaisie, tu vois un peu l’genre..), groovy, élastique, sauvage et noisy, pervertit le genre. Oh, ça breake. Ca narre. C’est déjà bonnard. Lent brouille les pistes, dérape et laisse de grosses traces. Dans les esprits, dans les lecteurs (cd ou vinyle, tu as le choix mais t’façon, tu devras l’acheter). Lent déconne, Lent excelle. Selfie de toi bucheronne, lance des sons non familiers. Ca sent le Singe Blanc, l’errance d’un Beck, la folie d’un Tropical Fuck Storm. En parlant de tempête, d’ailleurs, on est ici pas mal loti. Robin MERCIER ne cesse de déclamer puis à bout de souffle (mais pas d’inspiration), il brise l’élan pour laisser ses collègues zébrer l’azur. Ca fait deux compos, j’en suis déjà gaga. Horizon fantôme pose le jeu, mais reste fou. Dans ses décors. Place au mot mais rassurez-vous: l’explosion, retenue, survient. On est bien.
Quelques délires plus loin Fuites cathodiques, aux cuivres bourrés, un peu électro, surtout pas de trop, gagne lui aussi notre approbation. Son histoire est loufoque, il ne peut en être autrement. C’est aussi pour ça qu’ Au galop, prompt à s’emballer, à quitter les rails, à emprunter la piste rouge, nous contente à ce point. Au milieu du chant des oiseaux, il bâtit une superbe trame. De famille, touchante, tragique. Dans la sérénité cette fois, Lent parle le grave. Ses volutes jazzy attirent, ajoutent une forme de tension dans la grise beauté de la chanson. Poétique, d’une plume agile. Un chose de désir, à l’odeur de soufre, crie et soniquement, grince. Racé, il scelle la valeur d’un disque à épuiser par l’écoute, différent, audacieux. Lent est Free, il a tout compris (prenez bonne note, j’en suis navré, de mes piètres touches d’humour). La batterie assène, le saxo glisse, l’instrumentation a d’ores et déjà percuté la glissière. Au galop, éponyme, livre lui aussi des textes à aller chercher, un climat entichant. L’album, du coup, n’en capture que plus encore. J’écris comme je sens, j’écris comme je vis et Lent, dirait-on, fait de même. Enfin je crois. Son digipack sort chez deux labels que si tu connais la zik, tu les as déjà cochés au Stabilo.
A la fin ou quelque chose comme ça La main, extravagant (si si j’te jure), sans prendre de gants, nous administre l’avant-dernière mornifle. Convulsif, offensif, il nous trimballe sur, presque, six minutes barjotes. Mais aussi posées, enfin pas si longtemps qu’ça quand vraiment, tu pousses l’écoute et en l’occurrence, tu y as intérêt. Mal peigné, Lent ébouriffe. Et bout-riffe, oserai-je écrire. Sous leurs airs de mecs bien mis au sourire Colgate Robin MERCIER – Voix, paroles, sampler; Valentin CECCALDI – Basse, claviers; Florian SATCHE – Batterie; Guillaume AKNINE – Guitare et Matthieu METZGER – Saxophone, bidule, claviers, soudés, dessoudent. De savoir qu’on vit, au genre indéfini et pas si fini, l’enclume une dernière fois dans nos trognes d’auditeurs en bonheur, dont la quête de déviance trouve Au galop ce qu’elle venait chercher. Les voix se croisent, on s’y perd mais on y gagne et Lent, Au galop, chevauche vers les sommets d’une sphère où la normalité, alitée, se fait régulièrement culbuter.