Anthony Laguerre, GW Sok de The Ex. Deux adeptes de la création osée, en lisière, qui à deux mais pas seulement, sur ce When the Vowels Fall orchestralement poétique, sauvage aussi quand la crue s’impose, proposent un opus passionnant. L’orchestre du GAM de Nancy se prête au jeu, majestueux, tendu. Jean-Michel Pirès (Bruit Noir, The Married Monk) joue la batterie, Eric Thomas la guitare. Les deux comparses, Anthony Laguerre donc (composition, guitare, basse, orgues et batterie) et GW Sok (chant et texte), adjoignant leur imagination textuelle et musicale à l’assemblée ainsi mobilisée. Huit morceaux étendus, climatiques sans omettre une belle propension à s’agiter, illustrent les efforts d’une bande de pratiquants aguerris, d’une part, et soucieux de différer, d’autre part. D’emblée, Brother bomb blues acoquine splendeur d’orchestre, magie du texte et montées bridées, pour poser une première pierre fondatrice. A l’écoute ça capture, finement mais de manière affirmée, au gré de soubresauts prenants. Utter matter, en deuxième position, frappe fort pour débuter, sous les tambours de mister Pirès. Sous-tension, magnificence de l’instrumentation; l’orchestre indé de L & S fait mouche et le propos (s’)exalte. Medicine, plus posé, plus « de chambre », séduit de par son minimal distingué. Il monte en puissance, merveilleusement, avant de retomber.
On est dans le bonheur, sur ce When the Vowels Fall innovant, d’une texture singulière. For you, my love narre, dans l’expressivité. L’explosion se fait sentir, sans pourtant se produire. Sur de longues minutes, exemptes d’ennui, l’auditeur est happé. Down goes to blue, d’un jazz noir, un peu bleuté aussi, réinjecte une tension étouffée, saisissante. L’album est haletant, Can’t breathe, comme son intitulé le laisse présager, en donne un fidèle aperçu en termes de ressenti. Il est clairement rock, « The Exien » oserai-je écrire, belliqueux. Bruyant, d’éclairs et de ciel zébré, il lacère la beauté du disque. Et tant mieux car celui-ci n’y perd rien, loin s’en faut. C’en est fini, me voilà converti. Krant & schaar, à la fin enfin pas loin, syncope sa frappe. Tient son ambiance en laisse, ondule, broie du noir, déclame sans égal. Magistral. Voilà une galette habitée, qui en écoutes et dans mon antre égale celle de Lent, pourtant entêtante. C’est A case of fire, dernière salve subtile et bluesy, qui met fin à ces racées festivités, à la hauteur/valeur de ses doués concepteurs. Qualité supérieure, chers lecteurs, que ce digipack à l’attraction fascinante.