Bayonnais, Venil pratique une musique en opposition à son monde, qu’il met à distance et tente de digérer le temps d’un MY FEARS ARE NOT STRONG ENOUGH TO SAVE ME noir, lancinant, immersif au possible, capable de vous gagner tout en vous vrillant les sens. Asséné (E N O U G H, martelé, entre Swans et Godflesh), d’abord songeur et syncopé mais aussi scandé, possédé (l’introductif MY), parfois proche d’un Suuns, l’opus vaut incontestablement le détour. Il en fait d’ailleurs -des détours-, ses flux de sons psychotiques aggravent notre cas puisque qu’après audition, surviendra l’addiction. Alan Billi, Mikel Perez et Txomin Urriza, épaulés par l’illustre Amaury Sauvé au mix, aiment aussi à faire dans la rêverie, lente et gris(ant)e, quand se fait entendre leur F E A R S aux huit minutes célestes. L’ennui n’a guère prise, l’introspection de Venil suit des voies diverses et malgré cela, reste d’une imprenable cohérence. Le morceau hésite, se répète, obsède, possède. Un brin indus, surtout innommable, Venil frappe déjà fort. Son lyrisme, passé au vitriol, n’incite surtout pas à faire le mariolle. Break, quasi silence, puis fin perchée, là-haut, avant ce A R E à la déferlante sonique rouillée, grinçante. Je me rallie, conquis par Venil. MY FEARS ARE NOT STRONG ENOUGH TO SAVE ME, mais Venil m’y aidera.
Plus loin N O T, sur percus vives, jette son brouillard. Ses chants émergent de la brume, avec peine, comme de loin. Des sonorités à la Young Gods étayent le bazar, foutrement attirant. Dérangeant, dérangé, à l’hypnose fatale. Qualifié de post-industriel, pourquoi pas après tout, le trio signe une galette malade, qui en son mitan (S T R O N G) ramène une tantinet de sérénité dans un discours désenchanté. C’est pour çà, m’est avis, que MY FEARS ARE NOT STRONG ENOUGH TO SAVE ME se refuse à me délaisser. Ou l’inverse, peu importe vous l’aurez compris. Ces titres-là, ça se scotche dans les trognes. E N O U G H, à la lisière des dix minutes, se fait brut et lourd, sans qu’on puisse l’endiguer. Venil, à ton péril, appose une identité forte, un dégoût mis en son avec une dose mastoc d’agilité dans la (dé)construction.
Ainsi T O, au delà des 600 secondes, s’en vient à son tour et dans une étrange beauté sonner le glas de nos résistances. Il s’envole, décolle à peine, murmure et dissone. Beau, déchiré. Contrasté, agité soudain, il rafle lui aussi nos suffrages. Cathartique, physique et sinueux, l’objet sort chez Medication Time Records et ça va sans dire, c’est pour lui un très bon point. S A V E en lance la fin, sans lumière, dans une pulsation électro aérienne. On sent poindre, en l’occurrence, la nuit totale. Alors M E, de durée plus étirée, tribal et obscur, vocaux spatiaux dans le sac, boucle en montant en pression, sans implosion, un album passionnant, servi par une approche individuelle à souhait.
Photo Fanny Maillard.