TRANSMISSION, dans sa conception, c’est un bordel sans nom. Trop d’idées, trop d’intervenants, trop de talents connivents. La flemme de le décrire, ce projet. Sachez toutefois qu’il engage Les Rockomotives de Vendôme et le festival orléanais Hop Pop Hop, qui ici collaborent. Johann Guillon (EZ3kiel, Zero Gravity), James P. Honey (Buriers) et Lionel Laquerrière (Geysir, ESB) « président », une cabine téléphonique (si si) produit des sons électroniques trippants que de manière (ir)régulière, un flow percute ou plonge dans une délicieuse rêverie (Self Portrait As A Confident And Well Liked Genius, par exemple). Steven Le Corre (spécialiste de la spatialisation du son) et Benjamin Nérot aka The Healthy Boy (à la moustache et au téléphone) s’incrustent, ça ne normalisera pas le rendu et damned, voilà qu’on va se mettre, pour tout ceci, à s’en enticher sévère. Felix Classen, du duo Lonki and Classen, enjolive les interludes. Mussolini Mistress, sombre et doté d’une débit hip-hop narratif, s’en prend à la psyché ou plutôt, la sollicite. Il envoûte, déroute, file sous les voûtes, gagne en intensité sans vraiment imploser, sur le fil. Splendide. Call 1 assure le lien, passé le Self Portrait As A Confident And Well Liked Genius cité plus haut l’emprise s’affirme.
L’entrée en matière, vous l’aurez saisi, s’avale avidement. Pretty Boys, dans cette veine nébuleuse qui te fera flotter (in space, à la Spiritualized), convoque ce chant derechef « racontant », sur un ton pour le coup asséné. C’est du bon, sans genre défini mais dopé au style. Un Theresa May qui ondule, électro discrète, doucereuse, chantée avec beauté, s’illustre. Fichtre, que de prestance! Allégorie, beauté des notes, dérapages racés, débit s’intensifiant, on a là tout ce qu’il faut pour plier, vaincus, quand survient Jane Austen et son drone sans lumière. Oh mierda, madre de dios, on dirait Dälek! Non? Si? C’est TRANSMISSION surtout, c’est en l’occurrence noise-rap, mais Pick Up nous vrille l’esprit par sa répétition, hypnotique. Sa voix survient, sensitive. TRANSMISSION, c’est immersif et loin d’être inoffensif. A l’éther, il te tire de terre. Call 2, lunaire, nous emmène aux portes d’un The Ebb And Flow à la cornemuse, celle de Victor Neute, d’un bien bel apport. S’y joint, marquant, un chant à la tchatche posée mais nourrie. Impossible, là aussi, de se dérober à l’impact d’un recueil merveilleux. Call 3 fait le pont, déviant. Dark et acidulé, Diana Folded In Alf s’indus et s’habille de noir, d’une pulsation dérangée. Vocaux -à nouveau- notables, climat gris et cadence vive suffisent à captiver, sans espoir de guérison.
Ca sort chez Figures Libres Records, chez qui rien ne se perd. A Long Watch, perché, s’anime de syncopes sans heurts. Le transport est d’or, l’atmosphère chargée et de toute beauté. Plus loin et vers la fin Telephone Correspondence, de ses sept minutes hirsutes, s’éloigne du globe. Transmissions, de plus en plus haut, ne tire pas vers le bas. Il se vit, s’investit, on s’y perd autant qu’on y gagne. Whay About It, chargé de le finir, amorce un ultime décollage définitif que des textes à la diction crépusculaire agrémentent. J’avais bel et bien perçu, à première écoute, une démarche à part, exigeante mais de haut vol. J’ai laissé reposer, j’y suis ensuite revenu pour y dégoter, précieuse, une matière sonore d’entre les astres, imprégnante dans la moindre de ses richissimes textures.