Nommée Célestine, peut-être bien parce que Céleste elle est, nichée dans son bout d’Somme des contrées de Bourdon (80), la péniche qui accueillit 3 artistes du cru ce vendredi soir ne manque pas d’attraits. Après sa soirée inaugurale, elle avait pour guests, en l’occurrence, Lado et son sampler, ses cadences chopées en direct, sa poésie sonore un brin insulaire. Richard Allen lui faisait suite, dans une draperie folk qui scintille sous le palais. Puis John Makay, duo math-rock des plus percutant, avait pour mission de clôturer les festivités. Le tout pour 2 euros d’adhésion, somme dérisoire, le quidam restent libre de donner pour les musiciens. Pourquoi donc s’en passer?, c’est avec joie et émotion que je prends la route vers les terres de mon enfance et qu’à l’arrivée, je découvre la pimpante Célestine.
De quoi tomber amoureux, d’autant plus que la belle nous régale ce vendredi d’un menu de choix. Celui-ci débute après que j’aie croisé nombre de visages connus, dans un décor aussi sobre que merveilleux, dans l’obscur d’une pièce sécure. Charles Hayem, soit Lado, nous envoûte et balourde quelques facéties, dans une auto-dérision qui fait le plus grand bien. Il délivre un registre fin, dépaysant, plante à l’occasion et s’en amuse, fait preuve d’humour et nous vante les effets d’une résidence-mirage au cours de laquelle il aurait bossé, acharnément (ça n’existe pas, je le sais bien…), ses morceaux. C’est le premier coup de charme, à l’occasion un rythme marqué vient le ponctuer. Lado, c’est un cadeau. On aime on…on aime, le choix est très restreint. J’ai rêvé, lance l’une de ses créations. Que nenni, tout ça est bien réel. Merci Lado, tu joues comme tu es et ainsi, tu brilles.
Lado.
Je suis bien, je passe la tête au hublot et l’air frais atténue ma fatigue. Richard Allen, en duo avec le discret et modeste Joseph, prolonge le plaisir. Sa folk douce, sensible, emplit l’antre Célestine. Son acolyte y saupoudre claviers et saxo, subtilement. Ca a le gout d’un mille-feuilles (l’inspiration me fait défaut, vous m’en voyez affligé), c’est une mignardise sonore destinée aux fins gourmets. Complices et blagueurs, les deux hommes peaufinent leur registre. L’âme embaumée, on les écoute dans le recueil, les yeux mi-clos, en se laissant porter, au gré d’un éclairage tamisé qui souligne l’intimité du lieu et du live. Dans une sincérité désarmante, ils étoilent Célestine. Assis sur ses planches, je me dis que son existence est pour nous un bienfait. Mais j’attends, et John Makay va s’en charger, l’uppercut qui viendra troubler cette paisibilité.
Richard Allen.
On a affaire, là aussi, à une paire qui s’ (y) entend. Ca fait un bail que les deux bétails (appréciez la rime, ma virtuosité d’avec les mots…), sur disque comme en live, castagnent en mode math (et pas que) captivant. Mais pas dans l’vent, non, du tout. C’est en marge qu’ils s’inscrivent, à contre-courant et ça tombe bien, c’est sur la Somme qu’on trône ce soir. En dessous de son niveau même, pendant que John Makay met le sien en exergue. D’assauts nourris en syncopes « batterisées », où le chant parfois se poste, Romain Caron et le grand Charles parachèvent un bien bel événement, ça m’aura même amené à revisiter ce matin leurs excellentes sorties au moment de décrire par le verbe ces superbes live en milieu fluvial.
John Makay.
Photos Will Dum.