Ravens Crew de Thennes, à quelques encablures d’Amiens dans le 80, j’ai jusqu’alors soigneusement fui. L’étiquette « Une bande de potes qui partagent la même passion : La musique et le Rock’n’roll !, très peu pour moi sachant que jusqu’alors, en outre, le clan s’est toujours évertué…à ne pas composer. Alors les reprises, même percutantes, mais connues et sans réel apport, ach nein! Sauf qu’en ce mois de juin le père Douay et ses hommes de main, sur six…compositions, démontrent deux choses; d’une part ils savent faire et d’autre part, franchir le pas leur est salutaire. Ils gagnent en identité, incontestablement. Pourtant le registre déployé, dont la valeur est audible, laisse percer ses influences. RATM, Lofofora ou encore Mass Hysteria, ça s’entend mais au delà de l’évidence, Last trip riffe de manière assez persuasive, incisive et définitive, pour qu’on s’y laisse prendre. L’ouverture est bonne, son refrain s’insinue à force d’être scandé. Influencé oui, de qualité pas moins. Ravens Crew avance, sans hâte, vers l’acquisition d’une posture un peu plus sienne. L’enfer c’est les autres, où la basse fusionne, adopte un débit rappé, ou presque, qui fait mouche sans plus surprendre. On constate, ici, avec lucidité, sur des thèmes déjà pas mal exploités par ailleurs.
Toujours est-il que Memoriae, au bout de tout juste deux plages, donne plutôt envie de s’y plonger. Ainsi Parasite enemy, de guitares au scalpel en cadence qui bondit, au gré d’une rythmique athlétique, me fait-il headbanger. Dans l’immeuble, ça fait désordre et damned, tant mieux! Ca groove bien ce truc, ça envoie puissance et impact. Wollah frère?, me demande le collègue. Totalement mon gaillard, tu peux y’y’aller la baraque tient debout, bâtie à grandes truellées de riffs durs comme du silex. Le titre éponyme la consolide d’ailleurs, en pavé souple et compact. Les deux oui, car l’un n’empêche pas l’autre. Quelques rimes plus tard, la différence se fait. On n’invente rien, mais on fait tout bien. Je sens des odeurs, ici, non pas d’encens, mais plutôt de early Lofo, ère L’oeuf et Baise ta vie. J’étais jeune, j’étais beau, j’étais moins gros. Boulevard des Clips, Best of Trash et tout l’toutim. Oh, les guitares délivrent une échappée stylée. Il y a là de l’unité, ça contribue bien entendu à asseoir l’EP. Addict au pouvoir (tiens donc? qui ça??), dans cette veine fusion puissante sans rejeter la mélodie, nous emmène au bout de la route, ou pas loin, sans flancher. La vigueur demeure, l’objet ne perdant en rien de son pouvoir d’attraction.
Il suffira « simplement », à l’avenir, de totalement s’émanciper. Comme un grand, tel l’étudiant quittant papa-maman. Ce qui n’empêche aucunement, de temps à autre, de repasser partager la tarte. Dans cette perspective Sueurs, sans dénoter, s’inscrit dans la lignée fiable de Memoriae. Agréable à entendre, convaincu, porté par une force de frappe plutôt bien campée. Il breake, syncopé, en laissant filtrer une belle musicalité. Il s’aère, avant de rugir à nouveau. Ben voilà les gars, on s’est enfin extrait des starting-blocks, prêt à fendre le bitume de l’affranchissement sonore! L’aventure s’amorce, en tous les cas, avec six créations (le terme est volontaire…) dont aucune ne fléchit. Ce qui pour un début, une première réelle enjambée, laisse augurer d’une suite plus personnelle encore, condition sine qua non à une reconnaissance sans contestation possible pour le Ravens Crew des terres samariennes.