Poltergeist est jeune, Poltergeist est doué. C’est ma trouvaille de la semaine mais attention, j’ai pas encore parcouru le dernier Denner. Sauf que Denner, je connais déjà, j’ai déjà vanté. Alors que Poltergeist, son mix de cold-wave et d’électro grise, son univers obscur et grinçant bien à lui, se présente pour la toute première fois à mes esgourdes ébahies. Vitalic l’a repéré, séduit à la première écoute, le signant sans tarder sur son propre label. Mais trêve de palabres, le mieux à faire est de se laisser perforer les sens par ce Kämpfer multi-langues, multi-genres, multi-atouts. Un disque qui te contrait, direct. A t’en inonder, à te gaver de ses sons qui volent (Der Nachtvogel, électro entrainante). C’est La Grande dame qui t’accueille, drapée de noir, dans une vêture cold souterraine que des mots saisissants ponctuent. L’opus a pour base Berlin, le mur, le Gotham interlope de Lou Reed, la trilogie de Bowie/Eno et les nuits toxiques des clubs underground. Tout un programme, toxique, justement, et addictif (les deux vont de toute façon de pair), qu’on s’injecte avec un plaisir vicié. On cite, à son endroit, Joy Division, New Order, Talking Heads, The Cure, Can, Kraftwerk, Nine Inch Nails ou encore Jeff Mills. Tout ça oui, mais on entend au final, et avant tout, Poltergeist. Un chant de fille s’invite, plus clair. Ici de toute façon, tout fonctionne.
23:23, syncopé, se boursouffle dans une trouée nuptiale que traversent des notes mordantes. Putain de bordel, ce truc-là est une mille-feuilles! Sonore, musical, dont on se bafre jusqu’à l’écoeurement. Ainsi Die Schwarze Muse, acidulé en son Début, puis cold avec des riffs à la NIN, assure t-il un intérêt optimal. De plus en plus, même, au fil du temps que Kämpfer suspend. Ich Bin Ein Kämpfer se pare de la même ombre, racée, vénéneuse. Son chant dévie, fait le robot. Poltergeist, d’ailleurs, se mécanise parfois. Sa lettre captive, son mélange des langues tout autant. J’en suis accroc, sa dope est saine bien que délibérément en marge, là où les opposés peuvent se rencontrer. Dark wave, répétitif, finit par lentement s’élever. Céleste. Beau, et hérissé dans ses superbes guitares. Ari Girard (aka Poltergeist) trousse des compos au sein desquelles All this to Death, qui m’évoque Tricky et fait bruisser ses sonorités, énorme, se distingue au point de nous posséder. Der Nachtvogel lui assure une suite digne, alerte. Dans le même élan, il entérine la valeur d’un jeunot vertueux.
Photos PsychoKatZ’.
Mein Reich Komme, haché, songeur, fait lui aussi la différence. Grosse révélation, Poltergeist s’enfonce dans la nuit, dans le rêve, dans l’intrigue pour en extraire toute sa substance. Ses cadences cinglent, ses phases s’enragent. Le titre éponyme me fait danser, dans le noir. Groove intenable, nappes imprégnantes. Bruits dark, voix déshumanisée. Rendu de choix, définitivement accompli. En toute dernière place Imminent, de sons de basse glacés en décor obsessionnel, fort de gimmicks irrésistibles, finit en imposant tout à la fois son rythme, sa couleur nuit et ses séquences en loopings. C’est l’ultime shoot, aussi génial et fatal que le reste, d’un disque audacieux et bien pensé, personnel, de nature à fédérer les castes le long de dix titres distingués dans le texte et clairs-obscurs dans le son.