Alors déjà j’avais vu, le soir précédent, les sublimes Catalina Matorral en un lieu que j’en ai assez de taire. Superbe spectacle, avant celui qui ce dimanche, nous proposait le local et surtout Tchèque, allez comprendre, Koonda Holaa. Dont le blues aussi subtil que bourru, parfois psyché, en d’autres temps acéré, joué avec de l’âme dans une veine DIY évidente, nous capture depuis quelques années déjà. Il faut dire et préciser que le bonhomme au jeu de guitare affiné, jouant juché sur une petite plateforme devant son camion aménagé par ses soins, qui lui permet aussi de s’enregistrer, a de quoi choper l’oreille. Son répertoire sent le blues, certes, mais il peut aussi dépayser et, à l’occasion, durcir le ton. Dans le cadre verdoyant du Mic Mac, face à la cinquantaine de chanceux que nous sommes, son approche est parfaitement seyante. Vêtu tel un serpent, Jameel Abdul Kebab immisce une collection de morceaux sans fausseté, au pouvoir d’évocation certain que relaie une belle force de frape quand le barbu, poussant la voix, entonne et surligne ses notes. Ca se prend, on le sait depuis belle lurette mais malgré tout, ça marche à tous les coups. C’est presque recueillie que l’assistance, dans une intimité joliment troublée par Koonda Holaa, écoute ce dernier.
Koonda Holaa.
Entre initiés, on a déjà parfait la soirée. Mais il nous reste avant de mettre les voiles et ça, personne ne s’y attendait vraiment, la folie Three Brained Robot pour, dans un torrent de pitrerie de génie, parachever un temps fort qui nous rendra le lundi moins indigeste. L’Américain, dans une tunique jaune et mauve jonchée de cervelles -bien plus de 3, pour le coup-, se lance en effet et sans prévenir dans une succession de sketches délirants, entrecoupés d’intermèdes musicaux électro-pop ou discoïdes grinçants, « broken-pop » peut-on lire sur sa page, à mi-chemin du karaoke et du one-man show déjanté. Ca groove là aussi, ça fait dans le givré quand le mec narre ses drames et histoires où marionnettes et big synth aux couleurs de Saint Etienne sont à l’honneur. The Three Brained Robot est théâtral, on est bien d’accord sur le fait que jamais il ne nous avait été donné de prendre part, avant le sien, à ce type de spectacle. Le frisé est comique, démonstratif; son impro impressionne autant qu’elle suscite le rire, dents visibles, à gorge déployée. Ses morceaux, au goût de trop peu, font hocher les têtes. Mimiques et chant fou a lier, sauts de cabri et poses de star de la déjante font qu’à l’issue -The Three Brained Roboot, c’est bref mais ça se retient-, on a le sentiment d’avoir vu, et vécu, un live qui à mon avis, vu le bonhomme et son degré de folie, ne tire jamais sur les mêmes ficelles.
The Three Brained Robot.
Mais le couvre-feu guette, ma chère Huguette. Le voisin, à la vie sage et rangée, n’aime pas trop que l’on trouble, si c’était le bon mot, sa bourgeoise et pitoyable paisibilité. Mais on s’en fout nous, on vit, on crie et on boit à sa santé de squatteur de canapé. On plie bagage toutefois, polis mais pas dupes, en trainant un peu car prendre le temps, c’est aussi s’imprégner. Je souris de mon ignorance, moi qui à la lecture du patronyme de l’artiste, ayant flairé la date à part, m’imaginait un clan électro-pop foufou et coloré, à trois têtes mais en sachant bien qu’en situation, je courais le risque d’être trompé. C’est en l’occurrence le cas, vous l’aurez saisi et chacun s’en retournera, l’humeur légère et le coeur délesté, en emportant avec lui l’assurance d’avoir été partie intégrante d’un set sans équivalent connu, qui n’a même pas réussi à faire gueuler le neighborhood.
The Three Brained Robot.
Photos Will Dum.