De Toronto initialement, Deliluh ne tient plus qu’à Kyle Knapp et Julius Pedersen, réunis en duo après un déménagement en Europe que les autres membres n’ont pas suivi. Ceci pour se renouveler, sans se trahir, et explorer de nouvelles terres scéniques. Fault lines, opus expérimental, mental, physique, céleste, incantatoire parfois (Body and soul, à la Swans), démontre que l’entreprise, aussi abrupte soit-elle, présente à l’arrivée un projet de haut vol. Memorial, spatial, s’attaque déjà à la psyché. Il hypnotise, son chant narre sans hâte dans un climat angoissant. Emotionnellement, l’auditeur est d’ores et déjà sous torpeur, voire dans la peur. Body and soul, nommé plus haut, s’en vient ensuite épaissir le trait, tout en s’en tenant à des abords insidieux jonchés d’excès sonores soudains. Ca grince, ça rince aussi, au sens du ressenti que peur susciter l’effort. Credence (Ash in the winds of reason), rythmé, plus mélodieux mais toujours vicieux, brille ensuite de notes bellotes. Au bout de trois titres, seulement, on a déjà couru un spectre large. Et maîtrisé. Le morceau est aussi fou que beau, indus peut-être, post-punk déviant également. Impossible, en tous cas, à ranger ici ou là. Excellent. Amulet, dans un bricolage façon Soul Coughing, s’emploie ensuite à complètement persuader. Il se répète, obsessionnellement. Son chant demeure distant, ses décors ont un effet monstre. Brumeux, psyché, en marge.
Plus loin X-neighbourhood, dans un songe qu’orne une voix à la Nick Cave, à la Gira, typée, enfonce le clou. Lui aussi s’en prend à la psyché, bercée comme malmenée, se parant de sons finauds dans une chape de gris. Magnifique. Syndicate II le suit dans un déluge de riffs mécaniques, secs, tandis que le chant déclame. Sur Fault lines, on ne peut s’en tenir à des tendances précises et figées. La paire erre à sa guise, avec bonheur et réussite. Elle se dispense de norme, passe du coq à l’âne sans perdre en pertinence. Mirror of hope, soit quasiment neuf minutes d’électro entre majesté et célestitude, où perce si je ne m’abuse un violon merveilleux, termine alors un album qui en sus de sa valeur récurrente traite de contraires, de l’humain, de sa lutte. Incessante. Contre lui-même, contre l’autre aussi. Intérieure, où destinée à combattre l’extérieur vérolé qu’est le monde actuel. Superbe opus, aux conséquences fortes de multiples influences que Deliluh assimile au gré d’un rendu hautement personnel.