A peine plus d’un an après Fall off the apex nous revient La Jungle, interviewé par mes soins en prélude à ce Ephemeral Feast à sortir sur quatre labels pas piqués des vers. Un disque dark, en phase avec son époque, que les zigues de Mons ont le bon goût de coupler avec un sampler généreux, idéal pour la découverte de la paire. Mais trêve de blah blah, Intruder fait son Marvin en lançant dans le bouillonnement cosmique un opus qui peinera à rester en place. On les connait ces deux-là, toujours prompts à dézinguer à la eux-mêmes et c’est ce que fait, après la brièveté de l’amorce, un
Hallow Love ? aux voix barjots sur lit de sons dont La Jungle a le secret. Rythme insistant, mécanique, vrille de sonorités tarées. Break, apaisement. Enfin je crois. Parce que derrière, mine de rien, ça frétille et ça groove méchamment. Et blam, d’une tranchante lame La Jungle revigore l’âme. Regonflé, l’auditeur s’enfile ensuite ce Rivari lui aussi percutant, entre « célestitude » et wild attitude. Là où La Jungle, sans égal, nous fait son festival.
Imagination, dans l’étayage. Dynamisme, dans l’exécution. Assauts nourris, climats acides et amers. Il y a là, comme attendu, tout ce qu’il nous faut pour quitter les sphères de la mélancolie. L’horizon s’éclaircit, dans la succession des atmosphères c’est aux Young Gods que régulièrement je songe. A ceci près que La Jungle, depuis ses débuts et jusqu’à sa fin qui j’espère est loin, peint ses propres fresques. Noise, kraut, psyché parfois, perchées, addictives. Ephemeral feast, en dépit de son appellation, en appelle à la fête, durable. A l’issue des giclées de Rivari, point un No Eyes à la castagne dévastatrice. Dans ce registre, tout autant, le duo t’en mettra plein les dents. La Jungle, c’est la certitude d’un flux de dopamine, d’un trip qui défait les corps et pétrit les esprits. Un bordel salutaire, organisé de main de maitre(s). Comme l’est Another Look To The Woman In the Gloom, jonché de ces gimmicks qui font le renommée des deux Belges. On s’y fait balader, porter haut, entre éclairs et soleil. Entre trouées de lumière et coups de tonnerre. Guitares jouissives, cadence tout en entrain. Hypnose.
Photos: Studio Derville.
L’effet, on l’aura compris, est conséquent. Couleur Calcium, excité, rugit et s’opaque. Les voix, à nouveau, déraisonnent. Incantent, sonnent la charge. La Jungle n’a plus rien à prouver et pourtant, derechef, il se surpasse. Entre mille, on le reconnait. Il rassemble, fédère, met tout le monde d’accord et resserre ses accords. Son unité, plus que jamais, se fait entendre. De Verna vire psych, en son début. Il prend un virage tribal, trippal, qu’on s’empresse de cacheter. Il lâche des bruits dark, génère de l’angoisse mais aussi, et avant toute chose, des vagues jubilatoires. On note son décor, déroutant, à l’étoffe de recoins lointains. Intron suit, dans cette même veine perfusée au venin sonore. On décolle, sans la moindre résistance. Le titre est court, mais ses conséquences louables. Plus loin The Lake, retenu, se craquèle soniquement. Dans le même temps, il sert de jolis sons. Un chant, aérien. J’attends, je pressens, l’emportement. Les tambours bastonnent, la foudre s’exprime. Avec, pour la faire reluire, de beaux écrins.
On est fin bien, La Jungle marque de nouveaux points et en sa fin, s’emploie à tisser une trame subtile, répétée jusqu’à nous posséder, magiquement prenante (VVCCLD, plus efficient que n’importe quelle cuvée, sur presque dix minutes complètement immersives). En ce mois de juin qu’abreuvent les disques-must, Ephemeral Feast dispose de tous les atouts pour damer le pion aux meilleurs d’entre eux. S’y empilent, comme à la parade, les morceaux aux teintes variées, sans cesse captivantes, tantôt dangereusement enjôleuses, tantôt superbement mordantes. Avec pour effet, au bout des dix plages d’ Ephemeral Feast, de nous contraindre à le rejouer encore et encore, avant de se rendre sur scène tirer profit d’une tournée que le mot « étendue » ne pourrait suffire à qualifier.