Trio Bruxellois où siègent Dominique Van Cappellen-Waldock (voix, guitare, loops & theremin), Lucile Beauvais (guitare, claviers et choeurs) et Cécile Gonay (basse, violon et choeurs), Baby Fire joue un rock noir, lent et majestueux dans le chant, qui n’est pas sans rappeler une PJ Harvey dans ses temps de tourmente mais selon un trame nuancée, revenant de droit au groupe belge qui depuis septembre 2014 façonne son propre champ sonore. Avec succès et identité, ce que démontre ce Grace qui n’en manque pas et qui dès son ouverture, nommée A spell, marie majesté du chant, lyrique, et fond menaçant. On sent, déjà, une forte personnalité que la frontwoman, Dominique Van Cappellen-Waldock donc, contribue à instaurer, bien entourée. Des riffs lourds ponctuent le début, puis Fleur remet au devant de la scène cette retenue intense qui fait l’attrait du projet. Ca bouillonne, dans l’élégance, dans le vénéneux aussi. Love feat. Eve Libertine & GW Sok -en termes de collaboration, on est également au top-, en grondant sans hâte, dans une beauté que le violon pervertit et/ou accentue, confirme l’impact de l’opus. Lequel, insidieusement, s’imprime en nous. On sent, dans le même mouvement, poindre l’implosion. On la guette, en se réjouissant de lignes de chant magiques.
This Is a Love Song, souillé, se syncope en s’en tenant, prenant, à ce bridé qui ne demande qu’à se lézarder. Baby Fire use de ça pour s’emparer de nous, le procédé est d’une efficience confondante. Ses sons partant en vrille, son pouvoir d’accroche se raffermit. Grace feat. Mike Moya (GY!BE), au delà des sept minutes, alterne douceur malsaine et envolées aériennes, soniques aussi. Il y a du Swans dans ce que fait Baby Fire, lorsqu’il se réitère. Il hypnotise, bouscule aussi, malmène avec splendeur. Il griffe, reste pour l’heure sur un fil, ténu. Au bord du ravin. Dance! feat. Déhà, réduit en durée, amène un surplus de vivacité. Il est compact, leste et rude. Tout ça à la fois, ma foi, pour une issue à nouveau bourrue, racée, de choix. Prayer dépayse, dans le son. Lui aussi est fragile, intense, tiré à quatre épingles, répété jusqu’à obséder. Sing in Brightness le suit, s’étire sur de longues minutes d’envoûtement vicié. Sans imploser, un pied dans le précipice lui aussi. Noir.
Photo Yves Collard.
En fin de parcours Like William Blake, plus alerte, grinçant, assied la portée d’un disque travaillé, aux contours individuels. La surprise survient sous la forme du terminal Eternal feat. Laetitia Sheriff, guest de génie en sus donc. La fin est en apparence paisible, se fend d’un jeu derechef fragile, superbe. Laetitia, comme à l’habitude, enjolive le tout. Les voix capturent, unies. La teinte est grise, ici non plus l’explosion ne se produira pas. Elle s’annoncera, au gré d’un déroulé tout en Grace, pour ponctuer une galette à l’écoute de laquelle on retient son souffle, porté par ses climats, par ses progressions à l’immuabilité captivante, dont on s’éprend sans résistance possible. Baby Fire, découvert par mes soins à l’occasion dudit album, y faisant montre d’un savoir-faire que beaucoup pourront lui jalouser.