J’avais déjà parlé de Sinaïve pour son précédent EP, de grande valeur. Je retrouve le trio de Strasbourg en forme égale sur ce Super 45 t. où scintillent quatre morceaux dont le tout premier, Ténèbres, me remet en bouche ce goût délectable de lo-fi saturée aux chants merveilleusement naïfs. Masculin et féminin se complètent, presque angéliquement, sur fond de guitares qui crépitent. Tout feu tout flamme, un brin shoegaze dans ses vocaux éthérés, Sinaïve démarre fort. Il faudra traverser, ensuite, élague l’horizon et se contente d’un guitare voix sensitif, folk, sans plus de parure. Restent les textes, les voix unies, qui méritent toute notre attention. C’est dans la détente, bellote, que le groupe poursuit son effort. Sans ratage, sans non plus se fourvoyer. Space Ronsard, qui renoue avec une trame turbulente, un peu psyché, underground, fuzzy et spatiale, lui assure une continuité dans la qualité.
J’aime aussi sa pochette, synonyme de féminité encanaillée, de live, d’amplis chauffés à blanc. Super 45 t. passe foutrement vite; c’est sur un Trash mental noisy façon Jesus and Mary Chain, à la différence qu’ici les voix se font plus sucrées, qu’il trouve son terme. Libre, sans glissières ni règles qui ne soient pas les siennes, Sinaïve marque de nouveaux points avec cette sortie, inscrite au chapitre chez trois labels eux aussi remarquables. C’est du zéro défaut, du fait maison, bref, on n’en disconviendra pas, mais de valeur, qui nous est refilé avec les quatre compositions d’une galette que Michel Cloup et consorts auraient glissé sans hésiter sur leurs supports des débuts.
Photos Sandrine Champdavoine.