Projet avorté des années 80, initié par Hervé Zénouda (Stinky Toys, Mathématiques Modernes) et Gregory Davidow (Spions), performer et écrivain, expulsé de Budapest par les autorités communistes, Mitzpah revoit le jour par la ténacité du premier nommé qui, avec l’appui du label Pop Supérette, se met en tête, en 2020, de ré-enregistrer l’ensemble des chansons de l’époque avec la plupart des musiciens originaux. L’idée n’est pas que bonne, elle réexhume une série de titres de valeur et remet au goût un disque charnière, au mitan de genres et d’époques (fin de la première vague punk, début d’une nouvelle ère des années 1980.Post-punk d’un côté, esquisses french touch de l’autre) ayant compté, que ses dix titres élégants/sulfureux font reluire de bout en bout. C’est l’album perdu du post-punk français, dixit Pop Supérette; c’est celui que de toute façon, il importait de retrouver. In Andy Warhol’s factory (eight days a week), un brin new-wave, à l’orée du dur et du patiné, orné par le superbe sax de Christophe Rosenberg, fait mouche de suite. Davidow, au chant, fait merveille. Le rendu est stylé, Penal servitude tout autant l’instant suivant. Rock mais aussi racé, marqué par le savoir-faire de ses géniteurs. Notre Dame pose le jeu, majestueux. Pardon suit, bien plus griffu. Et tout aussi éclatant, dans le même temps.
Yann Le Kerr, le troisième larron, se distingue et complète la paire originelle avec aplomb. The howling one, exempt d’empressement, se déroule en se faisant aussi sonique que retenu, prêt à imploser sans toutefois le faire. Mitzpah charme, fait dans le vénéneux bien classieux. Eden was a garden marie les chants, Rim Ha le féminise. Le morceau est minimal, joliment orné, s’appuie sur la répétition de ses textures pour charmer son monde. On prend, volontiers. The seventh trumpet, d’une étoffe toute aussi douce, renvoie ensuite une beauté similaire. Il est à nu ou presque, avant de « gronder » un peu plus sans délaisser ses beaux atours. S’il est globalement posé, ou faussement tranquille, parfois vraiment aussi, Lonesome Harvest: Re-enactment N°1 (Paris 1981) dégage une prestance qui l’emmène vers l’excellence. The lost sheperd ne le malmène pas mais de par son ambiance déliée, sur fond de vocaux à nouveau unis, en renforce l’attrait. Je guette cependant, je l’avoue, la sortie de route. J’en suis friand, en survenant elle porterait l’ouvrage plus haut encore, à mon sens. The lenght of life, au début de nature à annoncer la crue, réitère une trame psyché triturée, avant que le chant émerge.
Celui-ci, encore une fois, insuffle du cachet. Le saxo revient, épars mais marquant. A l’écoute l’album, insidieusement, s’imposera à nous. De par ses climats, de par ses qualités et son identité, son côté historique en sus. Sysyphus, qui le termine en alliant les orientations vocales, à l’exception ou presque de toute autre parure si ce n’est quelques encarts à tendance tribale, semble t-il, le met en exergue pour une ultime salve estimable. On louera pour tout ça Zénouda, Gregory Davidow et Yann Le Ker pour ce travail commun des plus accomplis, de même que leurs nombreux guests aux apparitions notoires. Sans oublier Pop Supérette qui lui aussi, par son esprit et son catalogue, mérite des visites et même, après investigation, l’acquisition de la plupart de ses sorties.