Actu chargée, nouvel album dans le viseur, Jim et Roxie répondent aux questions de Will Dum (photo avatar: David Temprano)…
Photo Romuald Strzelczyk.
1) Tout d’abord comment se sent La Jungle, au sortir (ou presque…) d’une période trouble qui a de toute évidence impacté le contenu de votre « petit nouveau », Ephemeral feast ?
Roxie : On est bien occupés, sur beaucoup de choses en même temps et on se sent finalement assez loin de la crise de 2020. On a quand même pu jouer une septantaine de concerts l’année dernière, malgré les dernières contraintes sanitaires. On est allés jusqu’en Croatie et en Russie, on a monté une tournée parallèle hors des clous qui aboutira sur un documentaire d’ici quelques années (la Transe Wallonie Express), on a aussi sorti un album qui a déjà un an et qui a été très bien reçu. Ainsi quelques autres sorties périphériques dont des remixes et un split. On rattaque maintenant avec une tournée encore plus prenante qui comprend des résidences de création et un festival à l’autre bout du monde. En fait, on se sent surtout occupés. Occupés à faire la fête mais aussi et surtout à toujours penser à la suite.
Jim : Oui, comme l’explique Roxie le trouble s’est dissipé, depuis mai/juin dernier, car on était toujours sur les routes. Ou a pu penser à créer de nouvelles choses.
2) Celui-ci sort d’ailleurs à peine plus d’un an après Fall off the apex, votre dernier forfait studio en date. Qu’est-ce qui explique ce délai si bref, dont tout le monde se réjouit d’ailleurs ?
Roxie : Avec le Covid et les confinements successifs, on s’est retrouvés avec de longues périodes à ne plus pouvoir tourner. C’était assez reposant mais aussi angoissant et pas forcément facile à accepter quand on fait entre soixante et cent concerts par an. On s’est secoués pour faire en sorte de tirer profit de ces mois d’attente. On a planché sur un tas d’idées, des clips, des disques, des collaborations. Avant la sortie de Fall Off The Apex, on avait déjà deux albums d’écrits. Ephemeral Feast est donc le premier de ces deux disques, et notre cinquième album studio. L’autre sortira l’année prochaine, on doit maintenant bosser sur l’objet. Ce sera vraiment un disque à part. On n’en dit pas beaucoup plus pour l’instant
Jim : Oui effectivement, on écrit assez vite de manière générale. On aime que ça soit très spontané. Et là, clairement on avait le temps.
3) Outre le contenu d’Ephemeral feast, un brin plus « glacé » que sur le reste de vos opus, on note cette superbe pochette où Mère Nature, presque vacillante, paraît tenir miraculeusement debout. Quelle idée illustre t-elle ?
Jim : Le fait que l’on atteigne les limites de l’irréversibilité. Il suffit d’un petit tremblement pour faire chuter cette sculpture de pierre. Qui symbolise l’équilibre de la terre. On a certes déjà dépassé six des neufs limites à ne pas franchir. La dernière étant celle de l’eau douce. Il y a encore possibilité d’inverser la tendance. Mais est-ce que l’humanité est prête à faire quelques sacrifices? Les humains ne sont pas tous logés à la même enseigne, et beaucoup vivent déjà dans le sacrifice ou en mode survie. Alors que d’autres se gavent…
4) Dans la même idée, à quoi renvoie l’intitulé de l’album ?
Jim : Ce festin éphémère? Je parlais de gavage plus haut. On est en plein dedans. La gourmandise, on se goinfre un max de la terre même si on n’en éprouve pas le besoin. Voilà le festin. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. L’excès, pense au climat, la pollution…
On y arrive, l’éphémère…
5) Comment s’est déroulé l’enregistrement d’Ephemeral feast, en quoi le confinement a t-il, si c’est le cas, influé sur son déroulement et/ou sur ce qu’il dévoile en termes de sons et de textes ?
Roxie : Pour ce qui est des textes, je cède la parole à Mathieu. Je vais juste te répondre en te disant que c’était une période vraiment chiante pour ma part. On était en mars 2021 en studio, on ne pouvait toujours pas reprendre la route et gagner notre vie. C’est à cette période, quand a enregistré Ephemeral Feast, que s’est largement révélée la plus complète incompétence de nos gestionnaires de crise à agir en adultes responsables, notamment envers les travailleurs de l’art et du secteur culturel. Après, bon…aller en studio c’est toujours une belle expérience, surtout à Honfleur où on bosse depuis 2020. On va d’ailleurs y retourner, en fin d’année. Cette fois, on essayera de ne pas choper le Covid pendant les sessions d’enregistrement.
Jim : Comme pour nos précédents albums, c’est un constat sur notre monde . Un presque instantané de toutes les dérives qui nous ont éclaboussées pendant le confinement. Cette privation de liberté. Cet entêtement à foncer dans le mur, la régression, et toutes les peurs qui en découlent.
6) Ephemeral feast est pour vous, je le sens, un exutoire, un échappatoire à ces temps où l’humain subit celui qui ne l’est pas. Qu’en pensez-vous ?
Roxie : Il y a toujours un peu des deux dans un disque, je trouve. D’une part il y a cet exutoire, il est vrai. Mais aussi une fête, et j’essaye toujours de rappeler à celles et ceux qui me disent « C’est un super exutoire/défouloir pour toi, ton groupe ! », que pour moi chaque concert ou chaque disque est une manière d’exprimer quelque chose d’hyperpositif. Ce n’est pas juste une thérapie ou une manière d’oublier ses soucis, c’est aussi une manière de célébrer le vivant, pour ce qu’il en reste. Dit comme ça, on pourrait croire à quelque chose qui relève du dogme mais c’est bien moins conceptuel que ça. Chaque disque ou chaque concert est une démarche artistique que chacun peut s’approprier comme il le souhaite. Et ce groupe se prête très bien à cet exercice, surtout en live.
Jim : Après un mois et demi de confinement oui ça a été plus ou moins un défouloir. Quatre morceaux de l’album sont nés lors de la première répète, du moins une grosse partie. Il y avait des choses qui devaient sortir, clairement. Ne parlons plus d’humains, peut-être toujours de singes qui n’ont pas encore tout bien compris…
7) De qui vous êtes vous entourés, à tous les niveaux de création, pour la conception du disque ?
Roxie : On collabore depuis nos débuts avec notre ami Steve, qui gère l’entièreté de la phase de préproduction à la maison. La suite – qui comprend notamment la production d’album en studio – est confiée à un précieux allié du nom d’Hugo-Alexandre Pernot. C’est lui qui nous a amenés jusqu’à Honfleur et qui a très tôt proposé une foule d’idées pour véritablement produire nos sons, les calibrer et les coloriser. Il octroie en quelque sorte la possibilité à nos nouveaux morceaux de jouir pleinement de leur potentiel sur disque. On s’éloigne du son live pour aller vers des titres plus costauds dans les textures et les approches d’enregistrement, de mixage et de mastering. Tout ceci en conservant notre liberté en tant que groupe, qui est clairement un pilier dans La Jungle. Enfin, c’est aussi Hugo qui nous a proposé de bosser avec Climax pour ce qui est du mastering. Et on est plus que ravis du résultat. Fall Off The Apex, notre précédent album, a été conçu avec cette même équipe.
Jim : Et toutes les influences qui nous atteignent lors des tournées. Julien, notre ami booker, nous donne aussi ses impressions. Sinon la composition c’est juste nous deux.
8) Ephemeral feast s’accompagne d’un Sampler, tout aussi beau et généreux, destiné à faire découvrir ou redécouvrir La Jungle. Comment s’est fait le choix de ses titres ? Vous accordez visiblement, par ailleurs, une place primordiale au visuel, entre graphisme et digipack cartonné désormais habituel, qui pour un sampler est étonnamment attrayant !
Roxie : L’idée du sampler promo – qui ne fera d’ailleurs pas l’objet d’une sortie à part entière – est de pouvoir proposer un support promotionnel autre que digital aux très nombreuses personnes qu’on croise sur la route et qui désirent nous inviter à jouer dans leur festival, nous programmer sur leur radio ou qui, comme Muzzart, nous proposent une interview. C’est un peu le CD fastoche, qui reprend une sélection non-exhaustive de titres puisés dans notre discographie et que tu peux laisser trainer dans ta caisse pour le jour où tu dois te taper deux heures de route. L’objet est disponible aux merchandising, lors de nos concerts, pour celles et ceux qui le souhaitent.
Jim : Oui, on est très penché sur l’aspect de l’objet. Les visuels du groupe en général. Outre le live, c’est souvent le premier contact avec le public. Il faut soigner cela. Et on aime bien dessiner, peindre, mettre en page… donc c’est cool. Pour le choix des morceaux peut-être que si on l’avait fait deux mois plus tôt ou deux mois plus tard ça aurait quelque peu changé. Ça s’est fait très vite aussi.
9) Vous oeuvrez avec plusieurs labels de prestige, indé jusqu’au bout du catalogue. Cette fois, les Australien de Stock Records font partie de la liste. Que vous apporte le fait de collaborer avec ces différentes structures ?
Jim : Une ouverture vers ces contrées lointaines. Pour l’Australie, il a tout de suite été question de leur part de nous faire venir chez eux pour supporter l’album. Ca se fera. On cherche la meilleure période pour le moment. Pour les autres labels de copains, ben c’est des copains. Et ils bossent bien. On construit notre petite maison tous ensemble ; on pose les briques, eux le ciment.
10) Qu’avez-vous planifié, dans l’immédiat ou a court terme, pour défendre et valoriser Ephemeral feast ?
Roxie : Une sortie parallèle à l’album, un maxi-single 45rpm, verra le jour d’ici le 10 juin et la sortie d’Ephemeral Feast. Ce disque reprendra deux morceaux de l’album et surtout deux remixes dont on est très fiers, par Di Bosco et DC Salas, deux Dj qu’on affectionne beaucoup pour leur approche de la musique et leur esthétique. On va faire aussi des concerts évidemment. Et deux temps de résidence en mai et juin pour choisir quels titres seront exploitables pour le live. On n’a pas encore vraiment tranché sur la question. On verra.
Jim : Bien (rire).
11) Le monde actuel, finalement, c’est un peu La Jungle non ? (rires)
Roxie : Allez, tournée mondiale alors ! 😉
Jim : Un déboisement je dirais.