Dans la foulée d’une triplette mémorable, la soirée d’avant, la « Lune » avait à nouveau, à notre attention et en ce dimanche soir, une prog’ de tout premier ordre avec en tête d’affiche Crack Cloud, collectif canadien à l’esprit communautaire, défenseur des libertés, et pour lui ouvrir la voie Mario D, duo à l’univers froid, doté de paroles que j’adore pour leur rapport aux maux, issu de notre bonne ville amienoise. Et incluant, ce qui ne gâche rien, deux membres de Last Night We Killed Pineapple qui lui aussi mérite bien des égards. C’est dans un climat cold-wave synthétique que toutefois la guitare épice brillamment, que la basse fait onduler aussi, qu’on aborde l’évènement et ma foi, force est de constater que le registre accroche, non seulement par ses atmosphères mais aussi par ce que ses mots renvoient, servi par la plume habile de Mario. Ce mec fait tout bien, on pourrait en dire autant de Charles, son acolyte au sein du projet, capable de tenir la basse comme la guitare ou encore la batterie. Rythme basique et insistant, rage soudaine et décors plus planants s’imbriquent; pour ma part je plussoie et constate que le public, de son côté, reçoit la paire avec cris et danses. Bienvenue sur mon nuage, clame le premier EP de Mario D. On y reste perché, séduit. Sympa, prétend le second. C’est à vrai dire un peu plus que ça car quoiqu’il entreprenne, l’artiste crée un rendu bien à lui. On le partage volontiers, pour une ouverture de qualité incontestable et puis t’façon, On est mieux sur le sol.
Mario D.
A l’issue c’est donc Crack Cloud, au gré de son post-punk en fougue et en nuances, dépaysant, qui prend possession de la scène. Il transcende, le saxo accentue l’effet de déracinement qui émane des morceaux joués. Un batteur-chanteur, à l’instar de…Mario D dans son groupe premier, LNWKP, fait tanguer le tout qui m’évoque tout à la fois James Chance, la no-wave, Talking Heads ou encore The Ex. Sauf que Crack Cloud, et ça s’entend, s’affaire à tracer ses propres lignes. Un brin afro, nerveux comme parfois plus tempéré, il aligne les plages de choix et trouve, constamment, le gimmick qui flingue. Le phrasé fou, la cavalcade qui déboite, les chants qui flottent ou catapultent, polissons, à l’unisson. Crack Cloud bifurque, sa mixture est inédite. Post-punk oui, cold aussi, funky quand l’envie lui prend, soniquement barjot, sans direction…directrice, il erre et crée dans une liberté qui lui permet de complètement se démarquer. Ses claviers font leur B 52’s, la basse pulse comme on aime et autour, ça tricote des trames inventives, de nature à dérouiller les corps. Le live du sextette de Vancouver est court mais procure un vif plaisir, il dévoile une formation qui a su, douée, déviante, imposer tout à la fois vision et abords sonores dont ce soir, nous tirons profit sans compter. C’est par conséquent un « gig » une nouvelle fois accompli, savoureusement « en marge », que nous lègue l’équipe de la Lune qui pour la prochaine date accueillera ce mercredi 10 mai, merci à elle, Yan Wagner qui s’est fendu il y a peu d’un notable Couleur Chaos.
Crack Cloud.
Photos Will Dum.