Avant ce dimanche matin, je ne connaissais pas Epais. C’est en trainant sur le Bandcamp d’Araki que je le découvris, attiré et intrigué par son nom, sa pochette, sa sortie sur une tripotée de labels qui chez moi ont la part belle. Ecoute. D’emblée je me fais percuter par une poésie exaltée, en Français, qui m’évoque de temps à autres le verbe de Franz Treichler des Young Gods. Des secousses noise, ce Laïka au début noir qui ensuite s’éclaircit, « illuminé » », c’est le cas de le dire, par une instrumentation planante et des mots qui titillent l’imagination. Et qui, criés, prennent un putain de relief. C’est tout à la fois beau, sauvage, aérien et, quand ça s’emporte, bruitiste. Avec maestria, svp messieurs-dames. Epais est fin, dans la construction de ses compositions. Dément dans sa grammaire, soniquement versatile. Les trains, ponctué par une basse métronomique, devient tempête. Tiens, c’est encore aux Helvètes cités plus haut que je pense. Crier les chiens, ou encore Rue des tempêtes, surgissent dans ma mémoire. On compare Epais, aussi, à Rien Virgule. Ca vaut aussi son pesant d’attention. Les voix s’unissent, ferventes. Ardentes, comme l’étayage sonore. Les trains quittent les rails, ou presque. Kraut parfois, lui-même toujours, Epais crée. Soleil, psyché et dépaysant, marie sonorités spatiales et chant déchiré. Ca s’anime, ça monte doucement en intensité.
Photo Nahia Gerat.
Singulier, Epais me plait. Plus loin Les ruines, qui déconstruit, semble s’adonner à un jazz free et noisy, au fracas initial qui après coup s’élague un peu. Restent les voix, de feu. Un étoffage crissant, racé. La trouvaille me bonheure (du verbe bonheurer, entendez par là combler de bonheur, que je viens d’inventer), me dévoilant pour parfaire mon adhésion un La Garonne joué au ralenti, que quelques soubresauts dans le rythme tirent de sa torpeur. On le sent prêt à l’incartade, la batterie l’y amène d’ailleurs. Autour, on oscille entre pulsions kraut et textes fiévreux. Ca fait un bail que je n’ai pas entendu ce type de son, audacieux, tenu dans ses trames instinctives. Les synthés amènent du céleste, La Garonne après avoir faire croire à la crue -et j’y ai cru- reste finalement dans son lit. C’est alors Le sourd, sur plus de huit minutes dans un premier temps répétitives, dans leurs motifs, jusqu’à l’embrigadement, qui vient clore le disque. Ses voix, bien évidemment, niquent la norme. Des notes fines le sertissent, au bout d’un moment le morceau se lézarde et vire au bruit. Il finit dans l’orage, porteur de rage, au terme d’un opus à la hauteur, sur chacune de ses six plages, de la pléthore de structures s’étant unies pour lui donner vie.