Après Whatever NuFunk, furia funk’n’rock des plus enivrantes, la salle Jules Verne accueillait ce mardi soir une autre affiche classieuse et impossible à contourner puisque qu’au duo local Darling Buds of May, magistrale paire dédiée au country/blues/folk d’antan et à ses rengaines teintées d’allégorie, succédaient en tant que tête d’affiche les Danois de Powersolo, jamais avare de bourre-pif scéniques d’une efficacité destructrice. Programme de taille donc, que le couple sur les planches comme à la ville, ajusté comme deux êtres à la complicité visible, s’empressa de magnifier par son jeu sobre, son union passionnée et la splendeur d’un registre qui s’il inclut nombre de covers typées (Hank Williams ou Elizabeth Cotten, par exemple, sont ainsi honorées, de même que Blind Willie Johnson sur un John the revelator enflammé), ne s’en montre pas moins créditeur pour l’entité picarde, dépositaire d’une touche personnelle où quelques « outils » supplémentaires, tel le tambourin, surgissent pour consolider le rendu. Les voix s’unissent, l’une claire, l’autre grave et de velours gris, pour enfanter une pépite de live lors duquel les genres sont reliftés sans perdre de leur cachet rétro. Un tantinet « sage » toutefois -il fut, lors d’un récent Bruits de Lune, à mon sens plus offensif-, Darling Buds of May en impose par son éclat, la sobriété magique de son carnet de scène et sa prestance vocale. C’est bien assez, une fois encore, pour rafler la mise et ouvrir de manière digne et probante. On approuve donc, sans aucun atermoiement.
Darling Buds of May.
La voie est libre donc, dégagée sans faiblir, pour le trio d’Aarhus qui avec fougue et force, avec à la clé une belle série de titres élevés aussi, de base rock sans fermer la porte au blues ou au garage, par exemple, voire au rockab’, gratifie le public amienois d’une venue haut de gamme. Il joue serré, au micro et de ses mimiques et facéties bien connues des adeptes Kim Hjorth Jeppesen se fait remarquer, tout comme au chant et sur ses plans de guitare qui ruent et déboitent, à l’unisson avec le second riffeur. Sa voix déraille, devient cri, son visage se crispe, grimace. A ses côtés ses deux acolytes font le job avec assurance, ferraillent comme deux routards auxquels on ne la fera pas. Powersolo, c’est quasiment vingt ans de disques remuants, autant de sets sans trop de politesse sonore. Son « donkey punk » aux touches surf éparses convertit le peuple, aiguisé par toutes ces années de pratique. Il fait dans l’efficience, a de plus le bon goût de ne pas verser dans le linéaire. Il lui arrive, et personne ne boudera l’idée, de s’embarquer dans des délires stylistiques aussi fous que tenus. On en jubile, c’est bien pour ça que tous, nous avons fendu le bitume jusqu’à la rue des Jacobins. Powersolo torpille, vrille et cingle, dégage une élégante sauvagerie qui tantôt m’évoque Jon Spencer. La comparaison, vous l’aurez saisi, illustre l’impact des Nordiques. Ces derniers fédèrent, s’appuyant sur un empilage de compositions dont aucune ne dénote. Ils nous offrent, comblés nous en sommes, la dose de déraison rock’n’roll que nous venions ce jour quêter. Le leader use du Français, incite la foule à se serrer, à se rapprocher. Logique, Powersolo rallie. Son patchwork racé, turbulent et étendu fait mouche, il fait suer les corps et trace des smiles sur les faces. Il fait crier aussi, de joie, en proie à une douce et salvatrice démence qui parachève une soirée réussie en tous points.
Powersolo.
Photos Will Dum.