Né de l’urgence d’offrir, de la part du groupe métal extrême Non Serviam, une compositions à un ami récemment écroué (« Le monde me revient crié »), en compagnie du collectif de rappeurs Gobscrew, Biollante est un puissant alliage de noise, indus, rap, électro, métal brutal et textes vindicatifs, lucides aussi, traitant de sujets tels que le suicide des enfants, la révolte et le soin, les maladies mentales, la prison et l’enfermement. En tant que travailleur social, ça m’interpelle, en tant que fouineur de son en marge tout autant et dès Trigger warming, première et plus brève des six compositions délivrées, on me plonge les fouilles dans un univers inédit, narratif, syncopé, doom dans ses guitares, aux trouées éthérées, d’une foutue singularité, à la fin presque bluesy. Ca ne fait pourtant que commencer, Biollante castagne ses saccades et voix sous folie, comme joué dans un HP. Il s’emballe, exige de l’auditeur un effort d’assimilation. Comme dans le soin, ou quand tu débarques en cellule. Le morceau est pesant, en d’autres endroits enlevé. Sa tchatche débite, ses voix font dans la déraison. On pense comme le dit la bio, justement, à des cliques comme Death Grips, IC3PEAK, Swans, Atari Teenage Riot, Techno Animal, The Bug ou encore Scorn. Mais c’est bel et bien Biollante, dans sa sphère amère, qui crée ses propres giclées.
Le monde me revient crié, cadeau à l’enfermé, tape une fusion révoltée. Noire, noise-rap, zébrée par des grattes guerrières. Il faut dire qu’incarcéré, y’a pas d’quoi rigoler. Joli présent, J’espère qu’il dansera quelque part. Encart plus posé, la voix s’y normalise. Mais Biollante est un cri. A l’humain, à ceux qui le dépossèdent, à la face d’une société en souffrance. Du coup, une beuglante métal se greffe aux autres tonalités. On quitte le sentier, derechef. Diantre, quelle tuerie! Penser les Plaies accélère, se saccade, convoque des six cordes à nouveau féroces. Là aussi, les vocaux partent en vrille. Il m’arrive de peiner, dans ce fatras que je compte bien me rejouer à l’envi, à en saisir le sens. Biollante est violente, bruyante, captivante. En colère, sans se donner d’airs, elle cherche de l’air. Sa mixture se met la biture, ses genres se télescopent comme toi et moi dans le moshpit. ビオランテ 花獣形態, s’il ramène à une forme de « normalité, évoque la maladie, quasi thérapeutique. Son monologue est saisissant. Malmené, on n’en est pourtant pas au bout de nos peines. Pourquoi pas, de ses 20 minutes qui scrutent les travers sociétaux, truffées de lézardes sonores, assène la dernière mornifle.
Contrainte, TS, intégration entravée, immobilisme, douleur de soi, fracture sociale et parentale, échec scolaire. Défaitisme, un brin « incité ». Conscience. Les maux défilent, au bout de la dérive guette tout de même la vie. Entrelac de sons, de ressentis. Confusion. Lyrisme et bruitisme, de pair. Parcours de vie, tordus. Quête d’amour, après le désamour. Ecoute, précieuse. Fond dépaysant, soudain. Come-back, dans la foulée, d’une tchatche dénonciatrice. Biollante évacue, dans une France qui pue du cul. Des notes, soit dures comme du silex, soit vaporeuses, ou encore salement grandiloquentes, incrustent le terme d’un disque qui une fois « apprivoisé », risque de durer. J’Espère Que Tu Danseras Quelque Part, qui que tu soies, au son de ses six plages malsaines, clairvoyantes, postées au carrefour d’une pléthore de styles à la collision pour le moins percutante. Ca sort chez Trepanation Recordings, pour finir, où le registre est tout aussi poussé et sans concessions.