Dans la foulée des sessions de l’album Musick to Play in The Dark de Coil (1999), porteuses à souhait, est né un second LP intitulé Musick To Play In The Dark 2, qui date lui de l’an 2000. Atypique, prolifique, expérimental et large en termes de genres « collectés », le groupe fondé par John Balance et Peter « Sleazy » Christopherson voit son disque « second », somment d’étrangeté tantôt angoissante, tantôt spatiale, sombre et dotée de voix n’ayant rien à voir avec la norme, de climats qui saisissent et ne vous lâchent pas, d’une électro nuptiale aussi perdue que passionnante, revoir le jour par le biais de DAIS Records. Ses sept morceaux, à commencer par Something et ses vents flippants, ses ténèbres hostiles et ses voix chuchotées répétées, sèment l’émoi et, sans gouverne précise, induisent des sensations fortes. L’amorce est donc apeurante et pourtant, magnétique. Je ne cesse d’y revenir, elle m’empêcherait presque de poursuivre l’écoute. J’ai l’impression, alors que mon domicile est fermé à double tour, d’être en proie au danger. Un chant fantomatique surgit, mon ressenti s’accroit. Something, something, something…décliné à l’infini. Dérangeant, Musick to Play in the Dark 2 porte bien son nom. Tiny Golden Books et son électro lunaire, ses loopings sonores et ses phases hantées, ne me sécurise pas plus. Il est noir, se pare de cordes étrangement belles. Je ne l’en aime que plus; il faut certes l’assimiler, ce disque. Mais quand c’est fait, rarement tu t’en défais.
Psyché, complètement possédé, il ne se décrit qu’avec difficultés et se vit dans le trouble émotionnel. En surgissent, parfois, des plans splendides, « éclaircis » si je puis dire. Tel celui qui, ressemblant à du Kraftwerk, orne Tiny Golden Books. Chants de robots, climats sans lumière. Synthés perchés. On flotte. Dans l’espace. Ether, lui aussi bien titré, laisse fuser des sons cinglés. Il s’anime, soudain, avec majesté. On y voit, on y entend, folie et joliesse mêlées. Il est jazzy, presque cabaret. Industriel, monté au ciel aussi. Coil brasse les genres, jusqu’à créer le sien. A part, génial de créativité. Après les dix minutes passées de ce Ether savamment décoré, on débusque un Paranoid Inlay saccadé, aux boucles à nouveau barrées. Autour d’elles, des sonorités fines. On plane, encore, sur des trames à la Coil donc de fait, uniques. Le chant se normalise quelque peu, Paranoid Inlay est magnifique dans son dérangement. A réception, j’ai écouté Musick to Play in the Dark 2 distraitement, affairé à autre chose. Aujourd’hui, je l’écoute à l’exception de toute autre activité, dans l’immersion totale. An Emergency, s’il dépasse à peine la minute, renvoie une atmosphère inquiétante, dotée d’un chant allégorique. Where Are You suit, fait dans un premier temps de sons à peine perceptibles. Puis il mêle, joliment, patine sonore et étayage, vocal entre autres, bancal et crépusculaire. Merveilleux.
Des motifs réitérés contribuent, sans aucun doute, à l’accroche qu’exerce l’album. Je parlerai même d’emprise, tant son contenu subjugue et désarçonne. A l’issue Batwings, histoire de valider le côté hanté de l’opus, adopte un ton narratif que « nacrent » des sonorités en spirales, sorties de la nuit. Deux voix ou plus, je ne sais plus trop, j’avoue m’y perdre et c’est plus que bon, s’y joignent. La magie est totale. Une fois de plus, on se laisse choper par les atmosphères absorbantes de Coil, qu’immédiatement après le terme de l’écoute on se renverra dans la psyché de manière à bien l’en imprégner. Musick to Play in the Dark 2 est un disque fascinant, sa ressortie par DAIS Records est par conséquent une initiative qu’on ne peut que saluer alors que dans nos esprits sous peur et torpeur s’immiscent de délicieuses effluves d’un ineffable plaisir auditif.