Les Slovènes de ŠIROM avaient déjà grandement attiré mon attention, par ici, avec leur A Universe that Roasts Blossoms for a Horse de haute volée. Ils sortent des disques à une fréquence marquante, chacun d’entre eux instaure de longs trips dépaysants, teintés par le son de leurs contrées. The Liquified Throne of Simplicity, le dernier en date, débute d’ailleurs par une pièce de 20 minutes, Wilted Superstition Engaged in Copulation, qui m’évoque un Swans dans ses temps d’hypnose sonore maison. Le panel est pour le moins singulier, jugez donc au vu du line-up; Ana Kravanja: viola, daf, ocarinas, mizmar, balafon, ribab, various objects, voice. Iztok Koren: guembri, banjos, tank drum, bass drum, percussion, balafon, various objects, chimes. Samo Kutin: hurdy gurdy, tampura brač, lyre, lute, brač, chimes, balafon, frame drum, ocarina, acoustic resonators, various objects, voice. Ni plus ni moins, et ça s’entend car à chaque étape ressort la sensation, déclinée sur de longues minutes, d’extase un peu béate, bien que les plans se répètent. Mais ceux-ci, magiques, le peuvent. Ils capturent le quidam. C’est ce qui survient avec Grazes, Wrinkles, Drifts into Sleep, soit seize minutes de folklore bien loin d’être inodore.
Doté, si je ne m’abuse, d’un chant lyrique, le morceau déconstruit la folk, en appelle à ses terres, fait du ŠIROM jusqu’à ne plus ressembler à quoi que ce soit d’autre. Il prend fin dans un vacarme…Swansien, justement, magistral. On invente, on trouve du son neuf, puisé dans l’ancienneté d’instruments décalés. Après ça A Bluish Flickering, long pour sa part de seize minutes animées par le même esprit, percussionne et ce faisant, engendre une nouvelle errance un brin mystique, tribale aussi, dans ses sonorités. Bricoleur doué, Širom engourdit les sens. Il prend ombrage, étend ses sons et textures jusqu’à « entranser » son assemblée. Captive, happée par un genre personnel et ces plages étirées, aux saveurs de l’Est mais loin de s’y cantonner. The Liquified Throne of Simplicity sort sur des labels eux aussi de tout premier ordre, dont le fabuleux Glitterbeat. Širom, qui en est tout de même à 4 albums au total, sauf erreur de ma part, implante un style qu’il serait malvenu de fuir. Il en émane, fortes, des sensations qui peinent à s’envoler. Arrivent, de temps à autres, des pointes acidulées, encanaillées, du plus bel effet.
Sur Prods the Fire with a Bone, Rolls over with a Snake, lui aussi long et captivant, le trio réinstaure du chant. Doucereux, épars. Le titre prend racine dans des notes expérimentales, jouées comme à l’instinct, et laisse libre cours à l’endiablement de sa folk. Pour boucler le tout, c’est de manière surprenante une oeuvre brève, puisque n’atteignant pas même les 5 minutes de durée, qui émerveille une dernière fois. Elle a pour nom I Unveil a Peppercorn to See It Vanish. La voix y revient, lyrique encore. L’épopée se termine, tout au moins s’agissant du support sur lequel elle repose. En ce qui concerne l’écoutant, elle mettra bien plus de temps à disparaître, novatrice et évocatrice qu’elle est et se plait à demeurer. Superbe album, ici et à nouveau, pour ces Širom au registre entièrement inégalable.