Né Italien, basé à Berlin, le guitariste, compositeur et producteur Isaac de Martin mène le projet IKE, dont The great escape est le deuxième album. Combinant jazz et sons électroniques, il parvient à bâtir des morceaux chaloupés, dans un cheminement qui ne doit qu’à lui. La souplesse rythmique d’ Eva, en début de parcours, fait voleter le morceau qui par ailleurs, profite de la légèreté du jazz. Instrumental, il se corde, serpente sous l’effet d’une basse ronde. Mais c’est lorsque Sera Kalo chante -elle est, ici, invitée sur nombre de morceaux- que la mixture Ike prend, à mon sens, toute son ampleur. It’s Ok (feat. Sera Kalo), où elle intervient donc, lâche une trame jazzy déliée que des sons imaginatifs viennent border. J’attends, toutefois, qu’on sorte d’une certaine feutrine, tant vocale que sonique. Frank I’m Illegal m’exauce, dans un délire de début tout bonnement hilarant. Il expérimente, hagard, mais se montre trop bref. A sa suite What Then (feat. Sera Kalo), ondulant à l’image du reste, groove avantageusement. Il y a là une patte, une approche mais je guette, encore, le déraillement tant désiré.
La qualité de l’ensemble, malgré ça, ne se discute pas. In My Feelings (feat. Sera Kalo) vire soul, renvoie un climat à la Portishead dans ses moments de grâce. Ike s’assombrit, tout en restant sous des lumières bleutées issues du jazz. Les cuivres errent librement, embellissant l’effort. Interlude, lunaire, nous emmène jusqu’à Ethics Of The Sun qui se syncope et, dans ses sonorités de décor, m’évoque un Soul Coughing. Ses textures électro sont inventives, son atmosphère aussi belle que grisée. Le morceau s’emballe, laisse ses bruits fuser. On approuve. Somewhere (feat. Sera Kalo) est un peu moins « en marge », néanmoins servi par une ambiance trop (?) ouatée. Dans l’étayage, on se doit de noter le brio d’Ike et de douces envolées, bienvenues.
Photos Dovile Sermokas.
Ike s’en sort bien, fort d’une conception qui l’honore bien qu’elle pourrait, ce n’est là que mon avis personnel, dévier plus fréquemment. Small Great Natural Escape, en deçà des deux minutes, impose des atours psyché. Il fait des soubresauts, on l’imagine imploser. Ca ne se produira pas mais son enveloppe, au bord de l’angoissant, s’avère être attrayante. Enfin c’est Kurbis, sur cadence marquée, qui pose une dernière banderille leste et groovy, de bonne facture, qui alterne entre retombées et plages alertes. En s’étirant sur tout ce temps, il n’en est que plus marquant encore et pourtant, Sera n’en est pas. Sur The great escape, les musiciens sont de provenances diverses mais s’unissent pour créer, diverses, des compositions bien jouées, teintées par la créativité d’Ike.