Le dernier KG, l’un de mes chouchous hexagonaux déviants, c’était Jesus weint blut, en août 2019. Il sortait chez Herzfled, également prisé de ma personne. C’est toutefois chez October Tone et Mediapop Records que le projet au parcours chaotique revient, fort de ce Ein Mann Ohne Feind presqu’entièrement instrumental. Qui, à première écoute, m’a désarçonné par ce parti pris instru, son côté foutraque avant que la succession d’auditions m’en rende sévèrement accroc. Outre le fait que KG y traite de sujets pensés, l’opus renferme en effet une série d’efforts synthétiques prenants, souvent entrainants, parfois plus nébuleux (Ruf mich an et ses voix robotiques, excellent). De suite, on se fait surprendre par l’arabisant Ayna youjadou al mirhad ?, aux brindilles de là-bas qui percutent une électro d’abord relativement sage bien que quittant, vite, les sentiers battus en adoptant des sonorités proches de l’indus. Avant, sur La barrière de la peau, de tracer droit devant elle, souterraine autant que spatiale. Motifs répétés, à l’envi. Alors obsession.
On est (bien) lancé, sur une voie forcément sinueuse. Geheimhühnchen, sans chant encore, propose une électro mid-tempo plutôt légère, alerte. Dotée, on s’en doutait, du savoir-faire du bonhomme. B14715 suit, un peu dans la même veine que La barrière de la peau, donc persuasif, flanqué d’un break brumeux à l’issue duquel il grince. Minimal, à d’autres endroits plus complexe, KG nous fait adhérer. Son digipack, lui aussi, se passe de toute surcharge. Son noir et blanc lui sied, Les hommes mentent, les chiffres non (exactement!) file sur un rythme syncopé et énergique qui m’évoque Jessica 93. On remarque, ici aussi, la tenue sonore de l’ensemble. Le morceau oscille entre les cadences, cute d’un coup, brièvement, avant de repartir foncer. Après cela Lunik x, filant également, pénètre les esprits. Je pense, pour le coup, aux efforts les plus perchés des Young Gods. Quand les Suisses, délaissant leur fulgurances, montent très haut pour ne plus redescendre. Morgen oder nie, moins vif, amorce une énième salve psychotrope, quitte son rythme lourd pour l’intensifier. On se retrouve, à nouveau, catapulté dans les cieux. Le titre baisse soudainement, puis s’arrête.
Plus loin le Ruf mich an cité plus haut survient, complètement enthousiasmant. Pris dans la nasse, on n’a plus d’autre choix que de s’abandonner aux effluves de KG, à ses strates de climats différents. s.p.e.c.t.r.e. 11 nous emmène en terres connues, là où le fond est gris, l’horizon encore un peu trouble. Ein Mann Ohne Feind est un album marqué, me semble t-il, par le bordel de ce monde. Par son absurdité. Un brillant effort, malsain, barré bien sûr, sans concessions aucune. On connaît KG, pas du genre à se trimballer slip aux chevilles. Le pouls de s.p.e.c.t.r.e. 11 est régulier, des bruits et basses cold le sertissent de même que des plans acidulés. C’est Für x gegen minus unendlich qui s’en vient fermer la marche, nuptial, inerte ou tout au moins, quasiment immuable. Sous emprise, on n’a alors plus qu’à tenter le retour sur terre, le meilleur des remèdes consistant encore à se réinjecter une bonne et salvatrice dose de KG sans forcément passer par la case pharmacie.