Composé de huit musiciens multi- instrumentistes issus des scènes jazz, rock et des musiques improvisées, Yôkaï fut déjà évoqué ici. Ce Coup de grâce, pas loin d’en être un, est son deuxième opus. On y trouve, sur neuf morceaux, un jazz qui s’entiche d’autres courants, ainsi que le veut la recette maison. Le format, instrumental, ne gêne en rien l’impact du rendu qui, dans le sillage d’un Mascotte kraut-jazz bien pulsant, nous invite à quitter les bases usuelles. Nombre de sons régalants y trouvent place, la basse y ponctue le bazar avec relief. On part de la meilleure des manières, Roubaix faisant ensuite valoir des atours plus tranquilles mais bien groovy, un brin funky, ornés par des guitares aux humeurs changeantes. Une fois de plus, ça ondule avantageusement. Classe jazz bousculée, imagination dans la conception des trames obligent à l’écoute. Het bos, de sa batterie saccadée, monte vers des cimes climatiques.
Ils sont bons, ces Belges, quand il s’agit de (re)créer. Laïka, bluesy dans ses guitares, au rythme pataud, le démontre et pourtant, c’était pas la peine. On sait Yôkaï penché, tout entier, sur l’élaboration d’un répertoire qu’on lui reconnaitra. Et qui, au fil des écoutes, dévoilera mille et une richesses. C’est le cas d’Amazonas, indéfinissable, aux boucles entêtantes et vagues psycho-funk indélébiles. De titre en titre, Yôkaï fait un peu le pitre -musicalement-, s’égare délibérément, combine ses sonorités au gré de son savoir-faire. Il fusionne, passionne, dégorge un Ledeberg aussi alerte que perché. Sa galette sort chez Humpty Dumpty, histoire de lui refiler plus de crédit encore. Des cuivres chauds s’invitent dans une feutrine, et une patine, remarquables. Cheval de rêve, presque inerte, induit un peu moins de sensations.
C’est à mon sens le seul passage un tant soit peu « moyen » (et encore…) du disque, qui très vite retrouve du cachet. Sentinelle déboule en effet, sur un jazz vif où l’étayage fait à nouveau merveille. S’il expérimente, Yôkaï parvient bien vite à nous garder sous son aile. On ne le classe sûrement pas, si ce n’est dans sa propre case. Celle d’un son décomplexé, bien à lui, nouveau et décalé. L’éponyme Coup de Grâce, dernière cuvée toute en finesse et ruades mesurées, légèrement trouble dans son arrière-plan, termine sans empressement, au gré de fissures qui ne font qu’en souligner les bienfaits, une oeuvre prenante, désentravée, qui mérite de s’user sur nos lecteurs jusqu’à la sortie du prochain forfait des Bruxellois.