Imprévisible, Zombie Zombie nous revient en latin, s’appuyant pour ne pas le maltraiter sur les services d’une néo-latiniste parce que bon, ils l’ont quand même pompé chez Erasme. C’est donc pas du latin de chez Eram (prenez note de l’humour…), le trio Etienne Jaumet– Cosmic Neman–Dr Schonberg en fait d’ailleurs merveille et Vae vobis si vous passez à côté, l’opus est une splendeur électro trippante de bout en bout. Le groupe siège désormais chez Born Bad, après avoir créché chez Versatile dont le patronyme lui convenait pourtant bien. C’est toutefois une excellente chose, chez JB Guillot on ne badine pas avec la qualité. Alors Introitus, chargé de lancer la messe, amorce l’épopée en t’envoyant te cieler, dans une forme de grandiloquence à laquelle tu résistes avec difficultés et qui, par le biais de ses cuivres, fait dans le free. Ceci avant ce vae Vobis éponyme, donc, qui vocode et syncope dans le céleste, en laissant ses synthés y aller de leur nappes envoutantes. Un brin dub, il chloroforme l’esprit. J’adhère, sans préalables. Nusquam et Ubique passe la cinquième, étoile filante krautisante aux pouvoirs hypnotiques impressionnants. Il pulse, latinise avec allégresse et sans un pet de graisse. Et les synthés, mazette, quel discours!
Vous l’aurez compris, on est un peu épris. Ring Modulus m’évoque un Killing Joke qui aurait baissé la garde, atmosphérique, dépaysant. Mais Zombie Zombie ne se compare pas, trop personnel pour qu’on puisse le rapprocher de qui que ce soit. Plus loin Aurora, également déroutant, fait dans le brumeux psyché. Soniquement, dans le climat, c’est derechef un régal. Un sommet de l’idée, en nombre chez Zombie Zombie. Lacrymosa éthère lui aussi, ses voix s’allient. Il est délié, flottant, faussement tranquille, doté de percus qui emmènent. Dissolotum, de son côté, initie une seconde poussée rythmique sur fond de voix déviée, ça va de soi. Reste, intacte, la capacité à captiver. Il obsède, voit ses sons vriller. Vae vobis, une fois de plus, si vous n’en êtes pas. War is coming mais ce n’est rien, Jaumet et consorts nous la redent plus vivable. Faites du son, pas la guerre. En ce sens, Zombie Zombie est roi. C’est presque légèrement que le refrain s’insinue alors qu’autour, les sonorités continuent à bifurquer au gré de secousses successives. Lux in Tenebris (for SAMO), bien nommé, en fait montre. Sans chant, mais dans le probant. Modus Operandi se découpe dans les mêmes soubresauts, sans vitesse aucune mais nul besoin, son effet est monstre.
Photo Marco Dos Santos.
Revient le latin, totalement innovant. Ces chants, ensemble, qui nous envolent. Erebus, dans la même étoffe, imprime des sensations similaires. On s’y abandonne, on s’y livre corps et âme. Vae vobis diffère, Consortium en valide les vertus dans un alliage de sons et vocaux parfaitement « trippy ». C’est un peu la grand-messe, dite par une clique de polissons sonores reconnus. A la fin du sermon Temples of Bouthan (Bonus digital) étend le plaisir en délivrant, perchée, une ultime virée d’entre les astres. On y louvoie, à nouveau, entre les outils et les textures. Des cuivres s’égarent, hagards. Le terme de Vae vobis embrume l’auditeur, l’album déroule sans hâte pour au final imposer sa nouveauté, son audace pour une fois presque « accessible », si tant est qu’on puisse en qualifier la formation concernée. Zombie Zombie s’en sort remarquablement bien, j’en perds mon Latin et lui fait briller le sien, porté ici par treize compositions irréprochables.