Fort d’un nouvel album qui le voit évoluer sans se dénaturer, le duo lillois constitué de Claudine Sourdeval (vocals, bass) et Federico Iovino (vocals, guitar, kbds, electronics) répond aux questions de Will Dum…
Photo Bénédicte Dacquin.
1) J’ai de vous le souvenir d’un excellent We Can Play in a Living Room (live 2020), chroniqué sur Muzzart par mes soins. Que s’est-il passé pour vous depuis ?
Depuis 2020, nous avons tenté de raccrocher les wagons avec les lives dans les salles. C’est fort compliqué, beaucoup de salles ou lieux alternatifs sont exsangues et la plupart ne veulent plus prendre de risques. Heureusement nous sortons un 3e album qui depuis nous aide à avancer en termes de contacts avec le public.
2) Comment appréhendez-vous, d’ailleurs, le live qui, j’ai l’impression, représente un peu pour vous un terrain de prédilection ?
Nous sommes en attente. Cette parenthèse a vraiment été insupportable pour nous. Nous avons hâte de pratiquer les nouveaux morceaux sur scène, d’être à nouveau en lien avec le public. C’est pour nous quelque chose de très physique, une réelle expérience. Nos lives ont toujours été un peu plus sales et nerveux que nos enregistrements (rire).
3) Votre album Collect and Reject sort ce 25 mars chez les excellents Manic Depression Records et Swiss Dark Nights. Avec qui avez-vous travaillé pour ce disque, quelles en sont les sources tant textuelles que musicales ?
Nous avons travaillé à deux, comme à notre habitude, en nous inspirant de références communes. C’est un jeu de ping-pong : la construction se fait par strates successives. L’origine d’un son peut provenir d’une basse, d’une guitare, d’une boucle, d’un rythme ou d’un texte. Nous sommes ensuite allés chercher des collaborateurs pour certains morceaux : la chanteuse Audrey Rudy Cat pour « Love Like Capitalists », Karim/Loto Ball pose des trompettes sur « Backward groove » et Barbi Roza des guitares funky noisy sur « Deux ». Au-delà du fait de diversifier notre palette de sons, ces collaborations sont très enrichissantes au niveau humain et permettent d’entrevoir d’autres façons d’appréhender les choses.
Pour l’enregistrement, nous avons opéré à la maison comme d’habitude… Mais cette fois-ci nous avons également enregistré quelques pistes au Studio Ka, en région lilloise. Encore une fois, c’est un moyen de nous ouvrir à d’autres façons de travailler.
Enfin, pour parler des labels : nous travaillons avec eux depuis le début. Ils sortent nos productions main dans la main : Manic pour les vinyles et Swiss Dark Nights pour les CDs. Ils nous ont toujours fait confiance autant au niveau du son que des visuels et nous leur en sommes très reconnaissants !
4) Comment en êtes-vous venus, d’ailleurs, à œuvrer avec ces deux structures ? Que connaissez-vous de leur catalogue, y a-t-il chez elles des groupes dont vous vous sentez proches ?
Lors de la sortie de notre première démo, nous avons été approchés par ce label à deux têtes. Nous avons tout de suite dit oui, car nous connaissions depuis des années Manic pour son aide au renouveau de la scène des années 2000 en France. Parmi les groupes présents sur le(s) label(s), on pourrait citer une très longue liste de très bonnes formations, mais le fait de se retrouver sur le même label que Les Tétines Noires a été une grande émotion, à peine imaginable pour nous il y a quelques années !
5) Existe-t-il selon vous, entre Chew-Chew (octobre 2018) qui est votre dernier album studio en date, et ce tout frais Collect and Reject, des points d’évolution ?
Oui, nous sommes allés plus loin en ce qui concerne le côté clubbing. C’était une évolution naturelle. Dans « Chew-Chew », il y avait déjà un pas plus franc vers l’électro, ce qui changeait du premier album plus noise. Nous avons avancé également au niveau des mélodies. C’est quelque chose qui nous travaillait depuis longtemps : développer un côté parfois pop, avec des chants moins « criés » et des thèmes musicaux plus doux.
6) L’artwork de l’opus est signé de vous deux, de manière quasi exclusive. Est-ce un point crucial pour vous, un domaine dans lequel il vous est impensable de « déléguer » ?
« Déléguer » les visuels n’est pas impensable, non ! Peut-être que cela arrivera… (c’est d’ailleurs ce que nous faisons pour les derniers clips réalisés par Léonard Barbier Hourdin et Alexandre Dinaut). Mais après le confinement, il est vrai que nous avons gardé certaines habitudes. Nous sommes tous les deux créateurs dans les arts visuels, c’est donc assez naturellement que les idées viennent pour Dear Deer. Et puis nous sommes amoureux des vinyles, des artworks en général… C’est une autre manière de digérer notre travail artistique.
Photos Frédéric Iovino.
7) On en parlait plus tôt, Collect and Reject inclut quelques invités : qu’est-ce qui a motivé leur présence ?
Audrey est une chanteuse à la voix rauque et sexy sur « Love Like Capitalists », nous souhaitions une autre dimension vocale plus groovy. Barbi Roza guitariste funk, est venue aussi nous envoyer dans l’espace avec ses guitares sur « Deux ». Comme nous le disions plus haut, nous avions besoin de sortir de notre ping-pong créateur, pour enrichir nos horizons. Karim / Loto Ball, c’est notre petite tradition d’album en album : il intervient à la trompette sur chacun de nos LP.
8) Quelles sont les différentes émotions qui jalonnent la conception d’un album ?
Je ne sais pas si l’on peut parler d’émotions. La musique a quelque chose à dire qui transcende tout cela, c’est pour ça que nous l’aimons. Elle est polysémique.
9) Qu’est-ce qui fait que d’après vous, un duo devient cohérent ? Dans une paire masculin-féminin comme la vôtre, quel est l’apport de l’un à l’autre ?
La paire masculin-féminin ne va pas de soi, et ce n’est pas en cela que notre duo fait sens. Nous sommes deux personnes sensibles à la musique et notre tempo s’accorde bien, tout comme nos énergies.
10) Collect and Reject, c’est un peu un résumé de notre société de consommation non ? À quoi renvoient ce titre et par extension, le contenu du disque ?
Ce disque est un enfant du confinement, où le « Clic and collect » est devenu une survivance de nos habitudes de consommation. Dénoncer c’est facile, surtout quand on ne fait rien pour arranger les choses. Disons que les paroles sont pleines d’interrogations. Mais il faudrait une interview spéciale pour les textes, ça serait bien trop long (rire).
11) Qu’avez-vous prévu pour défendre cette nouvelle galette ?
Trois clips sont disponibles : « Joan », « Love Like Capitalists » et « Plateforme » et très probablement d’autres par la suite (sourire). Au-delà du fait que le vidéo soit un support incontournable, cela permet aussi d’ouvrir une porte à l’interprétation d’un morceau.
Quelques concerts sont par ailleurs déjà programmés, mais nous nous efforçons de remplir le planning ! Le live reste quand même le meilleur moyen pour nous découvrir !