Cheever est un quatuor nantais, issu d’horizons différents (noise-rock, indie-rock, hardcore) et réuni pour célébrer la lenteur et la reverb dans l’esprit de Low, Slowdive, Labradford et Thou. Voilà qui, d’entrée de jeu, prête à l’enthousiasme. Si on ajoute à ça le fait que les gars ont pondu un disque chez Super Apes, Day off Records et Araki Records, ledit enthousiasme grimpe d’un échelon et on n’a plus qu’à se gaver des huit morceaux enfantés, aussi beaux qu’orageux, aux chants quasi angéliques. The walk, de ses guitares plombées, assure une amorce qui nous fait du gringue. Déjà. Il pèse, riffe massif. Puis il s’éclaircit, presque post-rock mais sans l’ennui qui va avec. Il opte, on le pressentait, pour des vagues de caractère, au gré desquelles on ne touche plus terre. Le début parfait, suivi de ce When you’re feeling tall aérien dont le climat nous attrape et referme sa trappe. Alors que Holidays, léger, estival, sème un vent de mélodies. Et l’encanaille, sans trop le malmener. Quoique…
La qualité, en tous les cas, est de mise. Sundance fait le fin, sa pop brille. On prend note, ici, d’une dualité vocale notable, d’une mélancolie qui se propage vite. On est bien, fin bien comme dit dans mon secteur. Bus stop ocean a l’air de s’élancer, sur la voie rapide. Il n’en fait rien, là aussi c’est le climat et la sous-tension qui prévalent. De ce point de vue, Cheever est loin de s’égarer. Slowcore et surtout lui-même, il avance sans hâte mais distribue quelques coups de griffe, avec panache. Son vécu le sert, il n’aura pas fallu longtemps pour qu’il impose sa marque. Geminy prend tout son temps, lui aussi, et de sa tristesse qui s’enrage, permet à ses pères de parfaire leur oeuvre. Cheever entre en crue, déborde de son lit. Ca érupte, joliment. On sort les panneaux flanqués des bonnes notes, à la lecture des structures engagées dans la sortie d’ Ensimismado j’en avais la quasi-certitude. La tempête prend de l’ampleur, sans que les chants ne se séparent de leur allégorie.
C’est du bon, du bien ficelé, truffé de classe à l’état pur. A la fin du chemin Still, cotonneux, adopte ces encarts qui maculent le tableau et, comme de coutume, des vocaux à plusieurs qui se rejoignent superbement. Il y a un moment, déjà, qu’on a succombé à la galette aux tons gris, sur pochette comme dans le son. You love me less, plus déchainé que tout ce qui a pu le précéder, termine alors dans un flux alerte, saturé, qui envoie tout valser. Alors que les chants, fidèles à eux-mêmes, bordent le tout amicalement. Il n’y a pas meilleur terme, là où d’autres font bailler Cheever finit le taf en insistant gaillardement sur son shoegaze tout en fougue, pour parachever son Ensimismado sans aucun défaut.