Quintet électrique dans l’exploration entre chanson, pop oblique et jazz cosmique, Selen Peacock signe avec ce Horizon fondu son troisième album, le seul qui soit entièrement chanté dans notre langue. Ses musiciens ont transité par Belvoir, Fantôme, le Collectif 2035 ou même l’Orchestre national de Jazz. Ils jouent ici des plages qui évoquent, dans le désordre, les plantes d’appartements, les photographies de costumes traditionnels japonais, la fragilité de l’existence, les milieux naturels, les vitrines dans les beaux quartiers ou la canicule. L’opus fut conçu en 2019, entre canicules urbaines et excursions en Asie. Il suit des tracés à la Aquaserge, donc personnalisés, et renvoie de ce fait un genre encore peu usité. On attaque? C’est parti, Litote pose sa dynamique spatiale et saccadée, aux pouvoirs certains sur le psychisme de l’auditeur. Il riffe crument, groove cosmiquement. On est dépaysé, La vie brève rayonne après lui sur une pop tordue, aux échappées jazzy sans règles.
Selen Peacok, dans sa sphère, navigue librement. Yokainoshima fait dans le délié, communicatif. Il incite à l’abandon (de soi, pas de l’écoute), use comme les autres compositions de mots imagés. Il s’acidule, fait péter des sons sulfureux sans trop prévenir. C’est aussi pour ça qu’on l’aime, cette galette forte en goût, relevée comme il se doit, d’un caractère certain. Tous ces souvenirs en laissera un bon, il est lui aussi posté entre coups de sang et cheminement jazzy de choix, jamais normé. Dans ce registre, Selen Peacock se distingue. Il surprend, prend des contrepieds, assure des contrepoints. Intéressant, personnel avant tout.
Diurne, engoncé dans un « cosmisme » faussement posé, en valide la posture. Il se fait exotique, un peu, avançant dans une douce indolence. Il titube, d’un coup, comme en proie à la saoulerie. Il s’envole, psyché, pour ensuite laisser L’hésitation ne pas faire dedans (l’hésitation évidement). Voilà un morceau alerte, qui à l’image de la plupart de ses semblables s’embarque de manière soudaine sur un chemin de traverse qu’on aprouvera. Une fois familiarisé, car il le faut, on en redemandera. Ce qui se murmure, légèrement funky, nous jazzera sans brutalité mais avec le sens, inné, du climat qui rampe sinueusement. Ce que Les plantes, à mon sens trop timoré, fait mais sans grand relief au vu du reste de l’effort. Et avec style, malgré mon constat.
Qu’à cela ne tienne: le titre éponyme impose, pour finir, une épopée barrée. Ceci sur la « bagatelle » de plus de huit minutes, bardées de sons qui emmènent, de percus d’on ne sait où, de notes bleutées qui font des zig-zag étourdissants. Selen Peacock, pour finir, marque les esprits et les malmène aussi, agilement, jusqu’à signer un opus qui pour être complètement saisi, appréhendé dans son entièreté, vous contraindra à des auditions insistantes auxquelles je vous enjoins d’accéder car au bout de l’effort, guette l’une des plus belles trouvailles -à sortir chez Another Record– de ce printemps 2022.