Après le colossal Lovey, en octobre 2020, les Lemonheads d’Evan Dando ont la chance de voir leur It’s a shame about Ray ressortir via le même label, Fire Records, pour ses 30 ans d’existence. On a droit, pour le coup, à l’opus d’origine, forcément immanquable, agrémenté d’ « Essential extras » et de « Demo recordings » pas piqués des vers. Vingt-huit titres que Rockin’ Stroll, en pôle position, lance vigoureusement sur des abords rock rugueux mais mélodieux. Ce disque, c’est de toute façon un festival d’éclat pop, rock ou les deux mariés alors que de temps à autres, des encarts plus folk se chargent de le magnifier. Confetti, d’ailleurs, s’en pare tout en conservant sa pétillance poppy. Je n’irai pas jusqu’à décrire la galette dans son intégralité, ceux qui me lisent la connaissent (quoique…) et les néophytes n’auront qu’à l’acquérir. L’éponyme It’s a shame about Ray, bijou resplendissant, vaut à lui seul des bordées d’écoutes. Rudderless aussi, dans sa parure rock appuyée. On n’omet pas les mélodies, elles sont omniprésentes. Jusqu’à Frank Mills, pièce folky dénudée chargée de finir le job, Dando et ses collègues empilent les lingots.
My drug buddy en est, sensible. On ne compte plus, on les écoute plutôt compulsivement, les plages incontournables signées du chevelu. Bit part file dans la finesse, invite un chant de dame et fait fulgurer ses guitares. Alison’s starting to happen, en moins de deux minutes, explose à la trogne de l’assemblée. On renoue, quand se présente Hannah & Gabi, avec une pop-folk merveilleuse aux discrets relents country. It’s a shame about Ray, même aujourd’hui, tient la dragée haute aux groupes de sa mouvance. Sans soucis ni faiblesse, loin s’en faut. On attend toutefois ses bonus pour valider, complètement, sa réédition. Ca commence de la meilleure des manières avec Mrs. Robinson, cover speedée et énergisante « que si tu la connais pas t’as un train de retard ». Shakey Ground, ensuite, faisant valoir le côté posé et sensitif des Lemonheads. A l’image de My Drug Buddy (KCRW Session, 1992), tout aussi empreint de ressenti. Ou de Knowing Me, Knowing You (Acoustic), d’ ABBA, dans cette même veine acoustique enchanteresse. Ou encore de Confetti (Acoustic), pas moins brillant et dépouillé. Même « nu », The Lemonheads séduit et se fend, en l’occurrence, d’un jeu subtil et plutôt alerte. Alison’s Starting To Happen (Acoustic), au contenu similaire, avant ce Divan qui clôt le chapitre Essential extras sans plus de vêture ou de fioritures, faisant à leur tour craquer le quidam.
On se lance alors dans les démos, qui d’un It’s a shame about Ray aussi élagué que les Extras au terminal Confetti qui suit le même chemin insistent sur le brio « déshabillé » des Lemonheads. Ce qui n’empêche qu’au détour de l’audition, on dégote un Rockin’ Stroll (Demo) agité dans sa beauté. On a là, face à nous, l’essence même du projet d’Evan Dando. Des chansons qui, même privées de leur électricité sans chaines, gardent leur vertus. Lo-fi, vraies de bout en bout, elles augmentent avec prestance une ressortie qui a le mérite, c’est à mon sens chose essentielle, de remettre au goût du jour des disques essentiels, qu’oublier serait une erreur rédhibitoire. On peut faire confiance, en ce sens, à Fire Records qui sans discontinuer réexhume ces pépites d’un autre temps, majoritairement issues des 90’s -mais pas seulement-, dont It’s a shame about Ray est bien évidement partie intégrante.