Mazette! Ca fait déjà 12 ans que Ellah a. Thaun, quintette rouennais (oh yeah!) shoegaze, psyché et extrême dans ses humeurs nous balafre de ses sons écorchés. Avec Arcane Majeur Deux le deal est fidèlement respecté et King Félix, après avoir murmuré façon Breeders en son amorce, s’abime de manière persuasive dans des sonorités noisy qui éraflent l’épiderme. Le tout sur fond de rythme asséné, alors que le chant conserve sa mutine féminité. Ca vire noise, les guitares n’en finissent plus de se ramasser dans un fracas qu’on accueille avec enthousiasme. Télépathine, au son tout aussi live, débarque ensuite en trépidant. Il est violent, saccadé, authentique aussi et surtout. Ses instruments bruissent, flirtent avec le shoegaze-tempête et des cris percent, au beau milieu de bribes éthérées. J’adore « grave », c’est le son que depuis toujours, je m’injecte sans trop en calculer le débit. Pisces Moon Neuromantics se poppise mais ça se fait, on l’aura saisi, dans de jolis grondements. Ca redescend, dans la beauté totale. On adhère, on sent chez les Normands une proximité avec le réel, une absence de supercherie qui nous les rend plus crédibles encore. La fin du morceau s’enrage, sans rémission.
Plus loin Signs & Wanders, plus aérien, consolide à son tour l’opus. Son fond se trouble, sa cadence s’intensifie. Une fois de plus, on se carre Ellah a. Thaun bien profond…dans les fouilles; entendons-nous bien, il ne s’agit surtout pas de verser dans la vulgarité. Nathanaëlle-Eléonore Hauguel nous fait le coup du chant variable, ça apporte à l’ouvrage. Sentimental Brat se teinte folk, lo-fi, se drape dans l’élégant mais n’oublie pas de s’embrumer. Ellah a. Thaun séduit, installe une palette diverse, passe ses morceaux à l’éther ou au vitriol, parfois les deux et son rendu schlingue l’excellence. The Flesh Fortress, aux percus exotiques/chant sucré, se veut no-wave et soudainement, il hausse le ton pour se syncoper, derechef, sur ses dernières respirations. Ah, en sa toute fin il hurle, parce que chez ces gens-là on aime à étonner, à détonner, à s’encolérer. Nous aussi on aime, on s’en ressert une pelletée quand se présente Hellbound en effort piquant-ouaté du plus bel effet. Derrière, qui en doutait?, le boucan attend son heure qui survient, abrupte. Shoegaze, noisy-pop, indé de Rouen donc de valeur. Ellah a. Thaun est de ceux qu’on ne peut occulter, ayant dans son coffre une enfilade de chansons-régal.
Télépathine II, lourd, pose des tons indus, ou presque. Il est fracas, explosion, violence sans chaines. Enfin Sister, Sister, élagué, semble remettre du paisible dans le frontal. Il est beau, finaud. Lo-fi, sans poids en trop. Il verse néanmoins, après sa moitié, dans une no-wave au pouls électro qui entre en crue. Ellah a. Thaun ne nous ménage pas, il se plait à nous abreuver. De bruit, de flux qui satisferont nos attentes notamment quand comme moi, on clame sa soif de bourre-pif bruitistes. De ce point de vue, et qualitativement parlant, Arcane Majeur Deux est une réussite intégrale et aboutie, à placer parmi les meilleures sorties de sa mouvance.