L’évènement était, au delà de sa qualité musicale certaine, marquant puisqu’illustré, et personne ne s’en plaindra, par la levée des restrictions sanitaires. Les sets de You Said Strange puis Porridge Radio, ce mardi soir à la Lune des Pirates, s’annonçaient donc à plus d’un titre enthousiasmants et le moment fut comme attendu de choix, ce qui notons-le bien est une habitude au sein des murs briquetés de rouge de notre « Lune » samarienne. Les quatre Normands de You Said Strange, chargés d’ouvrir le bal et affublés d’un probant Thousand shadows vol.1, se distinguant sans coup férir par le truchement de morceaux où pop « à reverb », incartades psyché et vitamine rock (Mourning color) sans appel se conjuguent, faisant place à un registre solidissime. Mélodies, emportement, salves célestes, valeur des titres joués font impression et marquent l’assemblée qui à juste titre, acclame les frères Carrière et leurs deux acolytes. Des recoins d’ombrage stylés, façon BRMC, parsèment par ailleurs le live du quatuor (So sorry, entre autres compositions offertes au public de ce début de semaine). La joie est grande, deux personnes posées à mes côtés me glissent « Mais vous êtes toujours là vous! ». Peut-être pas mais une chose est sûre, ce soir j’en suis et je m’en félicite. Un coup d’oeil dans l’assistance me permet d’entrevoir les copains de Last Night We Killed Pineapple, auteurs d’un récent et accompli Multicolor. Ils trippent, au son d’une venue de qualité certifiée.
You Said Strange.
Le live d’ouverture prend fin, on a tout croqué avec avidité mais l’appétit demeure. Je repense à cette jeune, croisée devant la Lune à mon arrivée, livrée à la rue, qui attend un hébergement. Monde cruel et inhumain, que les concerts et la transcendance live permettent d’alléger et celui des trois dames de Porridge Radio, avec à leurs côtés un batteur qui tient la baraque, accomplira la mission à grand renforts…de titres forts. Il fait dire qu’elle en jette, Dana Margolin, de sa dégaine un tantinet garçonne. Présence toute en discrétion, charisme pas même volontaire, chant prenant, elle déploie des atouts de poids et son groupe, à l’unisson, fait gicler mélopées charmeuses, poignantes et/ou enfiévrées, dans une veiné indé aussi sensible que mordante. Les chants se rejoignent, j’ai souvent le sentiment d’entendre le meilleur des 90’s et lorsque la frontwoman s’emporte, le rendu est complètement jouissif. On alterne, avec justesse, coups de sang et patine des ritournelles. Porridge Radio s’est bâti une réputation qui visiblement est loin d’être usurpée, il a pour moteur le DIY et ça ne peut, vous l’aurez compris, qu’ajouter à son impact. Quelques motifs de claviers agrémentent ses créations, sobres et sans défauts. De temps à autres l’intensité retombe, la valeur pourtant persiste. Pop d’éclat, rock empreint de colère enfantent un concert-bonheur qu’on emportera avec soi, à l’issue, pour en tirer profit de manière maximale. Rappel, cela va de soi. Final entre synthés joueurs et geysers soniques, magique et galvanisant.
Porridge Radio.
On en a pour nos ronds, on sourit sans masque, sans entrave, de ce moment suspendu. Veillez à guetter, messieurs-dames, les dates Lunaires à venir. Tous style confondus, ces dernières distilleront de la vie des planches aux gradins, jusqu’à en enivrer les rues du quartier où se nichent, bien garnis eux aussi, les bars prisés de la jeunesse picarde. La Lune se vide, bientôt elle s’éteindra, laissant place à la nuit et sa cohorte de méfaits passés sous silence. Mais c’est pour mieux, à l’occasion des concerts à venir, briller à nouveaux de mille feux multicolores, tirés par une équipe technique dont il importe de saluer le brio en alliant à l’hommage, bien entendu, le grand coup de chapeau adressé aux deux formations conviées ce mardi soir.
Porridge Radio.
Photos Will Dum.