Trio jusqu’alors inconnu de mes services, Bank Myna pratique la noirceur comme personne. Entre post-rock dark, drone et trainées proches du doom, le groupe se forge une identité à l’orée des genres, en marge du normal. Son panel se pare d’un violon, de cloches d’horloges et boites à bruit, de voix prises dans la brume qui, associés, forment des canevas expérimentaux captivants…que certains fuiront car exigeants ils sont. Un Los ojos de un cielo sin luz pour le moins ombrageux, comme son intitulé le laisse deviner, étale sa chape de noirceur dont s’extraient des bribes de chant fantomatiques. L’ambiance est inquiétante, saisissante. Après un opus éponyme, sorti en avril 2016, les parisiens devenus trio s’en reviennent parfaire une identité qui n’est pas sans évoquer Swans et ses longues épopées sans réel égal. The Open Door, sur plus de douze minutes à la lente avancée, imposant à son tour vocaux fragiles et pourtant intenses, bruits lancinants et nuit sonore magnétique. Bank Myna se décrit avec peine, s’écoute aussi avec difficultés ou plutôt, demande un certain investissement. Des percus agitent ses trames, des implosions les lacèrent et les voix insistent. Dans ses trous dark pesants et tumultueux, Bank Myna pose ses formes et instaure sa personnalité. On ne peut la nier, l’audition le démontre avec une belle force de persuasion.
Fabien Delmas (guitares, horloges, percussions), Maud Harribey (chant, claviers, violon) et Daniel Machon (basse, noise box, sampler) ont le mérite, conséquent, de ne rien faire comme espéré. Au mitan des cinq plages Aurora (Vi ska sova), de ses rythmes marqués, enfonce le clou et laisse la voix, plus présente, orner l’essai. Hypnotique mais aussi « violentant » quand ses bruits délugent, le clan surprend. Il use de beaux sons, leur adjoint des passages réitérés plus « dirty » et ce faisant, délivre un alliage savant. Il plane, livré à des soubresauts. Il oscille, comme incertain, au gré de déroulés libres. Ses sources ont pour nom Godspeed You! Black Emperor, Anna Von Hausswolff, Big Brave</strong, ou encore…Swans, tel que mentionné plus haut. Mais retenons qu’il se livre, corps et âme, à l’élaboration d’un son à lui, dégagé de tout dû à l’autre. The Sleep of Reason s’en veut la preuve, à l’appui ses presque 720 secondes de progression au bord de l’inerte, dans un premier temps. Tellement qu’à l’issue, on s’en est drapé alors qu’après quelques temps, auront rugi des bruits bruts. Bank Myna fascine, se refuse à percuter le jour, se terrant dans un univers crépusculaire qui lui donne de beaux airs. Il en deviendrait précieux, perché dans des cieux « sin luz » ainsi que le suggère le morceau d’ouverture. Ses vagues et secousses l’amènent à ce surplus d’identité qui très souvent, crédite les formations audacieuses.
Photos Alain Delvare.
Passé The Sleep of Reason, on a face à nous, pour terminer le trip, Des mains, des yeux. Son format est plus court, il se fait quasi psyché mais sans se séparer, c’est ici une constante, d’un enrobage n’ayant rien à voir avec l’azur pur. On entend, avec délices encore, ces sonorités répétées. Volaverunt, sans complaisance, distingue ses trois auteurs, de même que l’équipe mobilisée pour sa bonne tenue, et nous emmène dans des sphères à la majesté souillée, conçues par des musiciens ouvertement décalés. Il sort de plus sur une brochette de labels indé jusqu’au bout du catalogue, ce qui ne fait que le renforcer dans l’estime qu’on pourra lui porter.