Six cd, trente-quatre pistes où les créations musicales du premier, passé entre autres par Palo Alto, enrobent les écrits du second, détenteur de prix multiples et dépositaire de ce qu’il nomme le post-exotisme. Un style inspiré par le bardo, mot tibétain renvoyant aux intervalles de vie, au sein duquel s’entrechoquent rêves et réalités, pensées sur la solitude, la folie, l’échec des luttes révolutionnaires ou encore la fidélité amoureuse. Voilà ce que dévoile ce splendide coffret où l’oeuvre commune aux deux bonshommes est retranscrite avec l’apport, significatif, de pléthore d’intervenants au chant comme à l’instrumentation alors que Volodine lui-même s’essaye à la narration, de manière marquante. L’effort est dense, c’est un abysse de sensations et un dédale où il fait bon s’égarer, en proie à des sentiments indéfectibles. De voix d’opéra en histoires sous tension, de fictions captivantes en réalité perfusée à la douleur -à moins que ce ne soit l’inverse, ce coffret est si touffu qu’on ne peut le résumer, le décrire par le mot: il se vit et s’écoute-, on erre dans un univers majestueux, à la peau sonore en or, tordue dans sa mélodique ou mélodique dans sa sinuosité. Là encore, je m’égare. De notes pures en thèmes angoissants, pris par l’impact des relations, il n’est guère concevable d’échapper à l’emprise de l’ensemble. Ce dernier bouscule les sens, les heurte, interpelle et même sa longueur, la répétition de ses climats ne font qu’en étirer la portée.
Denis Frajerman/Antoine Volodine.
Stylistiquement, là non plus, on ne peut prétendre à le « ranger ». Il ne s’y destine d’ailleurs pas, libre et lié avant toute chose au moi et à l’émoi, au nous car finalement très collectif, à l’alliance de la plume et de l’instrument. Le panel est large, il vous attrape en vous enjoignant à tous les ressentis possibles. Son pouvoir est conséquent, son relief et ses ambiances distingués, feutrés, noircis, obscurs autant que lumineux, joués avec maestria, réitérés jusqu’à prendre possession, littéralement, de l’auditeur qui aurait bien tort de reculer devant l’importance de l’oeuvre. C’est justement sa diversité, cohérente dans le sens où elle distille de l’émotion sans discontinuer, qui en fait le sel. C’est chez La Volte, maison d’édition indépendante, que sort l’objet. Sans aller jusqu’à dire qu’il a changé mon quotidien, son écoute m’emmène dans un ailleurs auquel je ne m’étais jusqu’alors jamais confronté, même à l’audition de disques pour le moins profonds et exigeants. Un ailleurs de délice et de sublime inconfort psychique, déroutant et attirant au delà du raisonnable dés lors qu’on lui a ouvert la porte de notre être. De superbes illustrations signées Laure Afchain magnifient par ailleurs l’effort, où ténèbres et recoins apeurants voisinent avec des plans à la sérénité incertaine et dont seule une écoute impliquée peut complètement, j’insiste, révéler toute l’incidence et les merveilleux contours.