Après avoir fondé Gacha Empega et ses polyphonies provençales, Dupain et son électro-rock occitan ou encore Forabandit, trio acoustique occitano-turc-marseillais, Sam Karpienia initie une nouvelle création d’obédience provençale avec De La Crau, mené de pair avec Emmanuel Reymond (Contrebasse) et Thomas Lippens (batterie, tambourin). De leur union nait Temperi, Nicolas Dick De Kill the Thrill y intervient et en neuf titres qui n’ont de cesse d’innover tout en honorant l’ancien, le décor est planté, quelque part entre la cité phocéenne éliminée par Nice en coupe de France, l’étang de Berre et la plaine industrialisée de la Crau. Chaman, à la trame bluesy-folk appuyée, présente un Occitan Post-Folk-Punk marseillais, c’est ainsi que le trio se présente sur son Facebook, plein de ferveur et de singularité. C’est joué avec un entrain punk, en effet, des reflets folk dopés au régional et les choeurs font le reste, alliés à un chant forcément typé. Chamatan, plus retenu, s’embrase ensuite. Dans le mot, comme dans l’instrumentation. De La Crau est passion, fureur, vérité ancrée dans le terreau du secteur. L’Amistat, enjolivé avec soin, prolonge le plaisir et place un terme tout en rage. Plaisir d’une trouvaille, d’un son nouveau, d’une approche personnelle qui débouche sur un répertoire sans égal. Ce que confirme Tarabast, dépaysant bien que trouvant sa source dans le « pays ». Stylistiquement on trouve des bouts de ceci, de cela, savamment rapprochés. Mais le contenu échappe à toute velléité de classification. Après être montée en intensité la chanson s’arrête, au sommet de la séduction.
Plus loin L’Infinitat, à la trame bridée, fait dans une retenue enflammée. Racée aussi, car ces gars-là savent faire et y croient dur comme fer, à leur Occitan hors du temps. La Dralha fait son Tom Waits, le gaillard crèche désormais à Marseille dirait-on. C’est d’la bricole sonore savante, ingénieuse. On aimera, soyez-en sûrs. Le chant évoque, l’écorce sonore suscite le trip. De La Crau creuse ses sillons à lui, impulse l’envie de claquer sa galette sur les nôtres (de sillons). Son discours est convaincu, brûlant, patiné aussi. A l’esper, au début à la cadence ondulante, assied son originalité. Il marie bribes blues, âme des mots, décalage d’une instrumentation pétrie de style qui lui permet du cachet ainsi qu’ une belle audace. On reste en phase étroite, cela va de soi, avec avec la nouveauté qu’offre Temperi. Lequel, sur son titre éponyme, poursuit allègrement sur une note déroutante, aux teintes légèrement orientalisantes. Et, bien entendu, soniquement différentes. Le ton se durcit, le rythme s’affirme et s’assène, la voix en donne (de la voix). Il y a là de la colère, du feu et de la vie, une patte stylistique qui nous fera succomber. La muralha, dernière salve endiablée, achèvera d’ailleurs d’ailleurs toute forme de réticence. De La Crau joue bientôt avec Interzone; c’est dire si son identité est forte, superbement retranscrite par ce Temperi à l’écart de toute caste précise.