Euphrates Ride, singulier à plus d’un titre, est le projet solo de David Mauro (alias Rigil Kent), admis en HP suite à une dépression lourdement entravante. Là-bas, encouragé par l’équipe soignante (« Président » si tu me lis, ceux que tu abimes valent bien plus que ton mépris…) ainsi que par un musicien issu de celle-ci, Lewis Ferraud, David trouve regain de force, et inspiration, dans la conception d’un EP superbe et touchant, qui narre tout à la fois ses épreuves, doutes, angoisses et déchirures mais avec, au détour de ses six plages accomplies, espoir et coin d’azur pur. Et, on le notera bien vite, un brio musical qui fait de l’objet en question un trésor sonore et humain.
Nanti de son Zoom R8 et de quelques instruments, l’être crée un sorte de recueil de son séjour, de sa maladie, que Gathering the waves inaugure sur fond doux et souple, magnifique. Les voix y renvoient douleur et sentiment, un peu comme si finalement et c’est le cas, l’Amour ne pouvait se vivre lorsqu’on diffère. Il y a là de l’intensité, une mise à nu de la plus grande des vérités. Huit minutes de beauté torturée, de sonorités lo-fi foutrement captivantes. Un début de tout premier choix, que des guitares noisy viennent salir avec prestance. Alors que Every Single Grain of Sand has A Mass, dans une étoffe prog’ qui s’envole et nous dépose, sécure, dans les cieux, magnifie la désillusion. Ou tout au moins, s’y destine. On y décèle, sans déplaisir aucun, l’incrustation de guitares merveilleuses, aussi grondantes que cotonneuses. Et ce chant, toujours si juste dans ce qu’il dégage. Sensible, écorché, espérant pourtant.
Trans part I, au gré d’un rock lourd et menaçant, lancinant aussi, qui n’oublie toutefois pas qu’il peut s’affiner, consolide l’ouvrage. Il se veut progressif et psyché, prenant et planant, agité aussi. Une composition, c’est une constante chez le sieur Mauro, de la plus belle étoffe. Qui dans la minute suivante, trousse un poignant Colors of grey. Guitares ciselées, subtilité pop. Splendeur. Voilà de quoi se compose l’ouvrage et par extension, l’EP « étendu » d’Euphrates Ride. I beg you pray, de sa pop-folk animée aux relents noisy, en ravive la flamme avec un panache audible. Therapy en est bien une, efficiente pour les sens, bienfaisante pour la psyché. Sa pochette, elle aussi, incite à la vie, à l’espoir, à la couleur en dépit d’un quotidien marqué par la grisaille existentielle. Trans part II, à l’heure de conclure, réitère un climat vaporeux, étiré, avant de soudainement éclater dans une gerbe, syncopée et enhardie, qui le porte aux cimes. On y entend stoner, rock batailleur, effluves psychédéliques, tout ça imbriqué avec une agilité surprenante. A l’issue on se sent mieux, Mauro se prend d’ailleurs à espérer que son effort puisse soulager d’autres malades. C’est incontestablement le cas tant son contenu, superbe, enchante et brille d’une authenticité, d’une patine sonore, qui ne peuvent que générer le mieux-être.
Photos Théo Longo.