Projet de la chanteuse de Teeth, Pierre Gisèle (se) donne des ailes avec son premier EP, Distorsion. Un recueil un brin…distordu, certes, artisanal, qui m’évoquerait bien le Dominique A de La Fossette par son côté chanson/lo-fi bricolé avec trois fois rien et pas mal de brio. Avec, aussi, ce côté imparfait qui en surligne le charme. Neuf titres dont le premier, Des diamants dans l’eau, voit les oiseaux gazouiller jusqu’à inciter à piquer une tête…dans ce registre au mot beau et imagé, un peu….distordu, bien décoré, qui très vite fait son effet. A l’image du plus crémeux La pâtisserie, joliment souillé, qui valide le cachet entrevu. On dirait aussi, un peu, le Diabologum de la première période en un peu moins fourre-tout. Distorsion harmonique, troisième cuvée des plus douce qui puisse être, nous amenant à des contrées sentimentales.
Le tout est mixé et masterisé par Hugo Carmouze, ce qui évidemment ne gâche rien. Avec La dame au balcon, lancinant, subtil, on fait dans le psyché qui sans se presser monte en pression. Sans exagération non plus mais avec ce qu’il faut d’acidulé, et de beauté répétée, pour nous convaincre. Je vais mieux (ft. Teeth), finement alerte, mélodique et plein d’éclat poppy désenchanté, prenant le relais sans faire le laid. Pierre Gisèle tient la route, pas trop bitumée, plutôt accidentée, avec bosses et rafistolage à la va-vite, avec du soleil dans les yeux itou. Ca lui sied à merveille, Bedbugz rêve et chuchote avantageusement. Distorsion, jamais immuable, est tout à fait valable. Il berce, peut après ça laisser percer l’orage. C’est justement ce qu’il fait, ici, sans complètement imploser. Il sort chez ce label ci et aussi celui-là, tous deux de choix, tenus par des êtres qui ne vous la font pas à l’envers.
On s’en félicite, tout comme on s’enchante de L’oiseau blessé qui ne perd pas une plume de qualité, émeut, incite à sourire. Il s’envole, laissant place à La fin du monde [avant-goût] qui développe une suite sans chant, pas loin de l’inerte, que j’estime dispensable. Distorsion, malgré ça, gagne les coeurs. Tous les policiers, gentille « ode » enchanteresse au corps des forces de l’ordre, s’en vient conclure avec douceur un album entièrement séduisant, aux tons clairs qui de temps à autre se salissent. Ca passe comme le café du matin, comme les chips du beauf vautré devant la télé avec son pack de bière, beuglant sur l’adversaire de « son » équipe. Ca passe crème donc (en parlant de café…ou de pâtisserie), ça passe sans qu’on s’en lasse aussi. Ca porte un nom…de beauf, justement, qui derrière son ridicule amusant dévoile des petites perles lo-fi marquées par un savoir-faire qui ne peut tromper.